LES VOYANTS DE MEDJUGORJE ET MARIA VALTORTA par Marco Corvaglia
Maria Valtorta sur une photo du début des années quaranteParmi les fervents de Medjugorje est très répandu l'intérêt pour une œuvre intitulée
Le Poème de l'Homme-Dieu,
écrit dans les années quarante du vingtième siècle par Maria Valtorta
(1897-1961). Comme le révèle le titre donné à l'œuvre par l'éditeur à
partir de 1993 (
L'évangile tel qu'il m'a été révélé), il
s'agit d'une sorte d'intégration aux évangiles canoniques: c'est le
récit que la Vierge et Jésus auraient fait à la femme de leur propre
vie. "Je peux assurer que je n'ai pas eu de sources humaines pour
savoir ce que j'écris.", déclarait Valtorta [Cf. M. Valtorta,
Il Poema dell’Uomo-Dio, Centro Editoriale Valtortiano, 1992, vol. I, p. XII].
Ce type de narration a, dans la mystique catholique, des précédents
bien connus: la vie que la Vierge aurait révélée à Marie di Agreda,
suivie de Catherine Emmerich, respectivement aux XVIIe et XIXe siècle.
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Beaucoup de fervents de Medjugorje connaissent l'œuvre de Valtorta parce qu'elle a reçue une approbation explicite de la Gospa.
Marija Pavlović, interviewée par sœur Emmanuel Maillard, rappela que en
1982 un franciscain de Mostar, le père Franjo, lui avait demandé "de
demander à la Gospa si ce livre était vrai." [Cf. R. Laurentin,
Dernières Nouvelles de Medjugorje n° 15, OEIL, 1996, p. 19].
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Il faut noter que peu après l'épisode auquel se réfère Marija, les
voyants de Medjugorje, à leur tour, ont assuré que la Gospa avait
commencé à leur raconter sa vie.
Le 22 décembre 1982, c'est Ivan qui a commencé [Cf. les déclarations de Vicka dans le livre-interview
Mille incontri con la Madonna,
Edizioni Messaggero Padova, 1986, p. 197], suivi par les autres jeunes
à partir du 7 janvier suivant. Dans le document paroissial appelé
Chronique des apparitions, tenu par le vicaire Tomislav Vlašić, on lit de fait à la date du 7 janvier 1983:
"La Gospa, ce soir, a commencé à raconter sa vie. Elle leur raconte et
eux la suivent dans sa croissance. Elle a dit qu'elle leur raconterait,
par épisodes, sa vie. Elle leur a interdit de la raconter à autrui tant
qu'elle ne leur aura pas tout dit. Elle a confié à chacun d'eux le soin
de mettre par écrit sa biographie."
[
Kronika ukazanja (Chronique des apparitions), vol. I, 7/1/1983, p. 353. Texte
original: Gospa večeras počela pričati svoj život. Priča im i gledaju
je u njenom razvoju. Rekla im je da će im u nastavcima ispričati svoj
život. O tome im je zabranila drugima pričati dok im sve ne rekne.
Naglasila je svakomu od njih da piše njezin životopis. ]
Vicka affirmera avoir reçu ce récit durant 850 jours (et les autres
voyants durant des périodes différentes mais plus brèves), jusqu'au 10
avril 1985 (Cf. aussi R. Laurentin,
Racconto e messaggio delle apparizioni di Medjugorje, Queriniana, 1987, p. 153].
Le père René Laurentin, principal historiographe et chroniqueur de Medjugorje, écrivait à l'époque :
"Le lendemain, 11 avril, [
durant l'apparition] chez elle égalment, elle [
Vicka] reçut mission de confier cette Vie à un franciscain pour publication. On ne sait qui, ni quand." [R. Laurentin,
Dernières Nouvelles de Medjugorje n° 4, OEIL, 1985, p. 38].
Dans la vidéo suivante, Vicka, interviewée en 1988 sur Rai Uno, durant une retransmission de
Uno Mattina, confirme avoir mis par écrit la vie lui dictée par la Vierge et attendre que la Vierge lui dise de la publier.
Après tant d'années, personne n'a jamais pu voir ces manuscrits et ils n'ont pas été publiés.
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Mais venons-en à la réponse que la Gospa aurait donnée à la demande faite par Marija.
Sur le n° 34 (juillet-décembre 1986) du "Bollettino Valtortiano"
(Bulletin Valtortien), semestriel édité par le Centro Editoriale
Valtortiano, on trouve le témoignage du professeur Giovanna Guggeri,
confirmé par son frère, l'avocat Ferdinando Guggeri, de Seregno
(Milano). Tous deux attestent de ce qui est arrivé le 15 août 1985 à
Bijakovići:
"J'ai montré à Marija la partition avec les cantiques du Poème de
l'Homme-Dieu, fascicule que j'avais amené d'Italie pour jouer les trois
cantiques sur l'orgue de l'église paroissiale. La voyante, entendant
parler de Marija Valtorta et du "Poème", d'allègre devint sérieuse et
dit: "Maria Valtorta! Tutto vero Poema Uomo Dio. Madonna detto due anni
or sono: tutto vero! dettato da Gesù!” [
Maria Valtorta ! Tout vrai Poème Homme-Dieu. Gospa dit il y a deux ans : tout vrai ! dicté par Jésus !] (Ce sont les paroles dites en italien par la voyante)."
["Bollettino Valtortiano", n° 34 (juillet -décembre 1986), p. 135]
Cette réponse sera confirmée entre autres, à la lettre, par Vicka.
Voici un fichier audio extrait d'une émission diffusée le 27 décembre
1988 sur Radio Maria (cliquer sur le lien):
File Audio Vicka
Comme on a pu l'entendre, les réponses de la Gospa rapportées par Vicka
(en italien) sont: "Ils sont vrais", "Oui, oui, vrais", "Authentique,
oui", "On peut les lire, ils sont vrais".
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L'ennui, c'est que la première édition du
Poème de l'Homme-Dieu, en quatre volumes, a été, en 1959, mise dans l'Index des livres interdits par l'Église catholique.
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Le 6 janvier 1960, "L'Osservatore Romano" publie en première page un long article (
Une vie de Jésus mal romancée) expliquant la condamnation. L'article peut être lu ici.
En 1961, on commence à publier une seconde édition de l'œuvre
valtortienne, en dix volumes, avec diverses modifications du texte et
l'ajout de notes. Le 1er décembre de la même année, "L'Osservatore
Romano" communique que la condamnation est étendue à cette seconde
édition.
Le 31 janvier 1985, celui qui était encore le cardinal Ratzinger,
préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, écrit une lettre
(Réf. 144/58) à l'archevêque de Gênes, Giuseppe Siri, confirmant qu'
"effectivement l'œuvre en question avait été mise à l'index le 16
décembre 1959 et définie par "L'Osservatore Romano" du 6 janvier 1960
"Vie de Jésus mal romancée".
Le cardinal ajoute que, "toujours sur l'Osservatore Romano (15 juin
1966) on rappelle ce qui avait été publié sur A.A.S., c'est-à-dire que,
bien qu'aboli, l'Index conserve "toute sa valeur morale", c'est
pourquoi on retient inopportune la diffusion et la recommandation d'une
œuvre dont la condamnation n'a pas été faite à la légère mais après de
prudentes évaluations aux fins de neutraliser les dommages qu'une telle
publication peut procurer aux fidèles les plus vulnérables."
Le père Philip Pavich, franciscain américain d'origine croate qui était
affecté à la paroisse de Medjugorje, après avoir appris la condamnation
de l'œuvre de Valtorta, le 4 octobre 1991 écrivit une circulaire (diffusée le 2 février suivant) destinée à tous les Medjugorje Centers du monde.
Par ce long communiqué, Pavich fit savoir à tous que l'œuvre de
Valtorta avait été en son temps mise à l'Index de l'Église et créa un
grand embarras à Medjugorje, où la Gospa avait approuvé ouvertement le
Poème de l'Homme-Dieu.
À partir de ce moment, les déclarations attestées de Marija résultent en partie différentes de la période précédente.
De fait, le 9 mars 1992 (soit peu après la diffusion du communiqué du
père Pavich) Marija, en compagnie du père Slavko Barbarić, fut hôte, à
la Nouvelle-Orléans, de l'émission
Focus, transmise par les télévisions américaines WLAE et EWTN.
Ce fait est attesté par l'historien "officiel" de Medjugorje, le père
René Laurentin, qui a publié la transcription de l'interview.
À un certain moment arrive l'appel téléphonique d'un téléspectateur nommé Bob:
"BOB: Qu'est-ce que Notre-Dame a dit exactement sur le Poème de
l'Homme-Dieu: il y a beaucoup de controverses la-dessus, et de
discussions discussions parmi ceux qui croient au messages de
Medjugorje.
MARIJA: Un jour au commencement, je ne savais même pas l'existence
de ce livre. Mais un frère convers de Mostar me dit: "Demandez à
Notre-Dame si c'est vrai". Je demandai et Notre-Dame me dit: "On peut
le lire". Elle ne dit rien d'autre. Maintenant, j'ai entendu dire qu'il
y a de grandes difficultés au sujet de ce livre, et peut-être le père
Slavko pourra-t-il expliquer.
SLAVKO: Oui, il y a beaucoup de confusion sur ce point. Voici mon conseil: demandez à votre évêque ce qu'il faut en penser."
[R. Laurentin,
Dernières Nouvelles de Medjugorje n° 11, OEIL, 1992, p. 123].
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Enfin, le 6 mai 1992, le Secrétaire général de la conférence épiscopale
italienne, le cardinal Tettamanzi, écrivait ce qui suit au Centro Editoriale Valtortiano:
"Conférence épiscopale italienne
Réf. 324/92
Rome, le 6 mai 1992
Monsieur, suite à de fréquentes requêtes, qui parviennent même à mon
secrétariat, d'un avis sur l'attitude de l'autorité ecclésiale à propos
des écrits de Marija Valtorta, actuellement publiés par le "Centro
Editoriale Valtortiano", je réponds en renvoyant à l'éclaircissement
apporté par les "Notes" publiées par l'Osservatore Romano le 6 janvier
1960 et le 15 juin 1966.
Pour le vrai bien des lecteurs et dans l'esprit d'un authentique
service à la foi de l'Église, je viens vous demander que, dans une
éventuelle réimpression des volumes, il soit dit clairement dès les
premières pages que les "visions" et "dictées" qui y sont rapportées ne
peuvent être retenues d'origine surnaturelle, mais doivent être
considérées de simples formes littéraires dont l'auteur s'est servi
pour raconter, à sa façon, la vie de Jésus.
Vous remerciant pour cette collaboration, je vous exprime mon estime et vous adresse mes respectueuses et cordiales salutations.
Dionigi Tettamanzi, Secrétaire général."
Les Notes
publiées par "L'Osservatore Romano" le 6 janvier 1960 et le 15 juin
1966, auxquelles fait référence le cardinal Tettamanzi, sont deux
documents déjà cités: il s'agit, respectivement, de la notification de
mise à l'Index du livre de Valtorta et de la communication (signée par
le cardinal Ottaviani, pro préfet de la Congrégation pour la doctrine
de la foi) qui confirme la "valeur morale" de l'Index pour l'Église.
Marco Corvaglia
SOURCE http://marcocorvaglia.typepad.com/msm/2010/03/medjugorje-sans-masque.html