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| La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou | |
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ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Sam 09 Mai 2020, 22:46 | |
| La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou-Lagrange
PREMIÈRE PARTIE La Maternité divine et la plénitude de la grâce
CHAPITRE PREMIER L'éminente dignité de la Maternité divine
Dans la doctrine révélée sur la Vierge Marie, les deux grandes vérités qui dominent tout comme deux sommets et d'où dérivent toutes les autres sont la maternité divine et la plénitude de grâce, affirmées l'une et l'autre dans l'Evangile et les Conciles.
Pour bien voir leur importance, il est bon de les comparer, en cherchant quelle est la première des deux, celle dont tout découle dans la mariologie. C'est ainsi que les théologiens se sont demandé : Qu'est-ce qu'il y a de plus grand en Marie ? Est-ce sa maternité divine, son titre de Mère de Dieu ou bien est-ce la plénitude de grâce ?
Position du problème
Quelques-uns ont répondu : c'est la plénitude de grâce. Ils ont incliné vers cette manière de voir parce que l'Evangile rapporte que Jésus, passant au milieu du peuple, une femme dit (Luc, XI, 27) : « Bienheureux le sein qui t'a porté et les mamelles qui l'ont nourri » : et Jésus répondit ; « Heureux surtout ceux qui écoutent la parole de Dieu et la conservent dans leur cœur. »
Il a semblé à quelques-uns, d'après cette réponse du Sauveur, que la plénitude de grâce et de charité, principe des actes surnaturels et méritoires de Marie, est supérieure à la maternité divine, qui par elle-même serait d'ordre corporel.
Selon beaucoup d'autres théologiens, cette raison n'est pas concluante, pour plusieurs motifs, d'abord parce que cette femme du peuple ne parlait pas précisément de la maternité divine ; elle ne considérait pas encore Jésus comme Dieu, mais plutôt comme un prophète écouté, admiré et acclamé, et elle parlait surtout de la maternité corporelle selon la chair et le sang : « Bienheureux le sein qui t'a porté et les mamelles qui t'ont nourri. »
Elle ne pensait pas à ce que la maternité divine comporte spirituellement comme consentement surnaturel et méritoire au mystère de l'Incarnation rédemptrice. D'où la réponse de Notre-Seigneur : « Heureux surtout ceux qui écoutent la parole de Dieu et la conservent dans leur cœur. »
Mais précisément Marie est devenue Mère du Sauveur en écoutant la parole de Dieu, en y croyant, en disant généreusement avec une parfaite conformité de volonté au bon plaisir de Dieu et à tout ce qu'il entraînerait : « Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum », et elle n'a pas cessé de conserver les paroles divines en son cœur, depuis le jour béni de l'Annonciation.
Si bien que sainte Elisabeth lui dit (Luc, 1, 45) : « Beata quæ credidisti, quoniam perficientur ea quæ dicta sunt tibi a Domino. Bienheureuse vous êtes pour avoir cru aux paroles divines, car celles-ci seront réalisées en vous », tandis que Zacharie est devenu muet pour n'avoir pas cru aux paroles de l'ange Gabriel, « et ecce eris tacens... pro eo quod non credidisti verbis meis » (Luc, 1, 20).
La question reste donc entière : qu'est-ce qu'il y a de plus grand en Marie : la maternité divine telle qu'elle a été réalisée en elle ou la plénitude de grâce et de charité ?
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Dim 10 Mai 2020, 20:52 | |
| PREMIÈRE PARTIE La Maternité divine et la plénitude de la grâce
CHAPITRE PREMIER L'éminente dignité de la Maternité divine
Position du problème
Pour préciser encore la question, il faut insister sur ce point que la maternité chez une créature raisonnable n'est pas seulement la maternité selon la chair et le sang comme chez l'animal, car elle demande de soi le consentement libre donné à la lumière de la droite raison à un acte dont l'exercice relève de soi de la liberté et des lois morales relatives au mariage, autrement ce serait une faute.
De plus, pour la maternité divine, il fut demandé à Marie un consentement non seulement libre, mais surnaturel et, méritoire, sans lequel, d'après le plan de la Providence, le mystère de l'incarnation rédemptrice ne se fut pas accompli ; elle le donna, dit saint Thomas, au nom de l'humanité (IIIa, q. 30, a. 2).
Il ne s'agit donc pas seulement d'une maternité matérielle, selon la chair et le sang, mais d'une maternité qui par sa nature même demandait le consentement surnaturel à la réalisation du mystère de l'Incarnation rédemptrice, tel qu'il devait être réalisé hic et nunc, et à tout ce qu'il entraînait de souffrances selon les prophéties messianiques, particulièrement selon celles d'Isaïe, bien connues de Marie.
Dès lors, il ne peut être question de maternité divine pour Marie, sans qu'elle soit, selon le plan de la Providence, la digne Mère du Rédempteur avec une parfaite conformité de volonté à celle de son Fils.
Aussi la Tradition dit-elle qu'elle a doublement conçu son Fils, de corps et d'esprit ; de corps : il est la chair de sa chair, le flambeau de la vie humaine du Christ s'est allumé dans le sein de la Vierge par l’opération du Saint-Esprit dans la plus parfaite pureté ; d’esprit : car il a fallu le consentement exprès de la Vierge, pour que le Verbe s'unisse en elle à notre nature.
A la question ainsi posée, la grande majorité des théologiens répond que, selon la Tradition, la maternité divine, proclamée au Concile d’Éphèse, est supérieure à la plénitude de grâce et de charité et que le plus grand titre de gloire de Marie est celui de Mère de Dieu.
Les hautes raisons sur lesquelles s'appuie cette affirmation sont les suivantes. Nous demandons toute l’attention du lecteur pour ces premières pages ; lorsqu'on les a. saisies, il est facile de bien entendre tout ce qui suit.
Article I LA PRÉDESTINATION DE MARIE
Voyons quel a été l'objet premier de la prédestination de la Sainte Vierge, et en quel sens elle a été absolument gratuite.
Marie a été prédestinée à la maternité divine avant de l'être à la plénitude de gloire et de grâce.
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Lun 11 Mai 2020, 22:19 | |
| PREMIÈRE PARTIE La Maternité divine et la plénitude de la grâce
Article I LA PRÉDESTINATION DE MARIE
Ce point de doctrine peut paraître bien élevé pour être exposé dès le début de cet ouvrage ; mais il est assez facile à saisir, il est généralement admis au moins implicitement et il éclaire d'en haut tout ce que nous aurons à dire dans la suite.
Comme le dit en effet S. S. Pie IX dans la bulle Ineffabilis Deus, en proclamant le dogme de l'Immaculée Conception, par un même décret éternel Dieu a prédestiné Jésus à la filiation divine naturelle, immensément supérieure à la filiation divine adoptive, et Marie à être Mère de Dieu ; car la prédestination éternelle du Christ porte non seulement sur l'Incarnation, mais sur les circonstances où elle devait se réaliser, en tel temps et tel endroit, en particulier sur celle-ci : « Et incarnatus est de Spiritu Sancto ex Maria virgine », comme il est dit dans le Symbole de Nicée-Constantinople. Par un même décret éternel, Jésus a été prédestiné à être Fils du Très-Haut, et Marie à être Mère de Dieu.
Il suit de là que, comme Jésus fut prédestiné à la filiation divine naturelle avant (in signo priori) de l'être au plus haut degré de gloire, puis à la plénitude de grâce, germe de la gloire ; de même la bienheureuse Vierge Marie a été prédestinée d'abord à la maternité divine, et par voie de conséquence à un très haut degré de gloire céleste, puis à la plénitude de grâce, pour qu'elle fût pleinement digne de sa mission de Mère du Sauveur, d'autant que, comme Mère, elle devait être plus intimement associée que personne à l'œuvre rédemptrice de son Fils, selon la plus parfaite conformité de volonté. C'est ce que dit en substance S. S. Pie IX dans la bulle Ineffabilis Deus.
Et donc, comme en Jésus la dignité de Fils de Dieu ou de Verbe fait chair l'emporte immensément sur la plénitude de grâce créée, de charité et de gloire qu'a reçue sa sainte âme, comme suite de l'Incarnation, ou de l’union hypostatique des deux natures en lui; de même en Marie la dignité de Mère de Dieu l'emporte sur la plénitude de grâce, de charité, et même sur la plénitude de gloire céleste qu'elle a reçue, en raison de sa prédestination exceptionnelle à cette divine maternité.
D'après la doctrine admise par saint Thomas et beaucoup de théologiens sur le motif de l'Incarnation (pour la rédemption de l'humanité), la prédestination de Marie à être Mère de Rédempteur dépend de la prévision et permission du péché d'Adam.
Et cette faute a été permise par Dieu pour un plus grand bien, comme l'explique saint Thomas, IIIa, q. 1, a. 3, ad 3, pour que « là où la faute a abondé, la grâce surabondât » (Rom., V, 20) par l'Incarnation rédemptrice.
Comme Dieu veut le corps de l'homme pour l'âme, et celle-ci pour vivifier le corps, de sorte qu'elle ne serait pas créée si le corps n'était disposé à la recevoir, de même Dieu a permis le péché à réparer pour ce plus grand bien qui est l'Incarnation rédemptrice et il a voulu celle-ci pour la régénération des âmes, de telle sorte que, dans le plan actuel de la Providence, l'Incarnation n'aurait pas eu lieu sans le péché.
Mais, dans ce plan, tout reste subordonné au Christ et à sa sainte Mère, et il est toujours vrai de dire avec saint Paul (I Cor., III, 23) : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu »
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Mar 12 Mai 2020, 22:40 | |
| PREMIÈRE PARTIE La Maternité divine et la plénitude de la grâce
Article I LA PRÉDESTINATION DE MARIE
La grandeur du Christ et celle de sa Mère ne sont en rien diminuées. Marie a donc été Prédestinée d'abord à la maternité divine. Cette dignité apparait supérieure encore si l'on remarque que la Sainte Vierge, qui a pu mériter la gloire ou le ciel, n'a pu mériter l'Incarnation ni la maternité divine, car l'Incarnation et cette divine maternité dépassent la sphère du mérite des justes, lequel est ordonné à la vision béatifique comme à sa fin ultime.
II y a à cela une autre raison vraiment démonstrative; c'est que le principe du mérite ne saurait être mérité ; or l'Incarnation est, depuis le péché originel, le principe éminent de toutes les grâces et donc de tous les mérites des justes ; elle ne peut donc être méritée. Marie, pour les mêmes raisons, n'a pu mériter ni de condigno, ni de congruo proprie, sa divine maternité, c'eût été mériter l'Incarnation.
Comme le dit très exactement saint Thomas, ce que Marie a pu mériter par la plénitude initiale de grâce qu'elle avait gratuitement reçue de par les mérites futurs de son Fils, c'est l'augmentation de charité et le degré supérieur de pureté et de sainteté qui convenait, pour qu'elle fût la digne Mère de Dieu. Ou encore, comme le dit ailleurs saint Thomas, « Marie n'a pas mérité l'Incarnation (ni la maternité divine), mais, le décret de l'Incarnation étant supposé, elle a mérité d'un mérite de convenance que celle-ci se ferait par elle », c'est-à-dire qu'elle a mérité le degré de sainteté qui convenait à la Mère de Dieu, degré que nulle autre vierge n'a mérité de fait et même ne pouvait mériter, car nulle autre n'avait reçu et ne devait recevoir la plénitude initiale de grâce et de charité qui fut le principe d'un tel mérite.
Cette première raison de l'éminente dignité de la Mère de Dieu, tirée de sa prédestination gratuite à ce titre le plus haut de tous, est d'une étonnante clarté. Elle contient trois vérités qui sont comme des étoiles de première grandeur dans le ciel de la théologie : 1° que, par un même décret, Dieu a prédestiné Jésus à la filiation divine naturelle et Marie à la maternité divine ; 2° que Marie a donc été prédestinée à cette divine maternité avant de l'être à la gloire et à un haut degré de gloire et de grâce, que Dieu a voulus pour elle pour qu'elle fût la digne Mère du Sauveur ; 3° que, tandis que Marie a mérité de condigno ou d'un mérite de condignité le ciel, elle n'a pu mériter l'Incarnation, ni la maternité divine, car celle-ci dépasse absolument la sphère et la fin ultime du mérite des justes qui est seulement ordonné à la vie éternelle des élus.
Cette raison a paru manifestement concluante à beaucoup de théologiens ; elle contient virtuellement ou même implicitement celles que nous exposerons à l'article suivant, et qui n'en sont que le développement, comme l'histoire d'un prédestiné, est le développement de son éternelle prédestination.
La gratuité de la prédestination de Marie
Quelques précisions sur l'éminente prédestination de Marie permettent d'en mieux saisir la gratuité. Il faut remarquer que le Christ est parmi tous les hommes le premier des prédestinés, puisque sa prédestination est l'exemplaire et la cause de la nôtre ; il nous a mérité de fait tous les effets de notre prédestination, comme le montre saint Thomas, IIIa, q. 24, a. 3 et 4.
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Mer 13 Mai 2020, 22:42 | |
| PREMIÈRE PARTIE La Maternité divine et la plénitude de la grâce
Article I LA PRÉDESTINATION DE MARIE
La gratuité de la prédestination de Marie
Or le Christ comme homme a été prédestiné, nous venons de le dire, à la filiation divine naturelle, immensément supérieure à la filiation adoptive, avant de l'être, à la gloire et à la gràce. Sa prédestination première n'est autre dès lors que le décret même de l'Incarnation, et ce décret éternel porté, nous l'avons vu, non seulement sur l'Incarnation abstraitement considérée, ou pour ainsi parler sur la substance de l'Incarnation, mais aussi sur les circonstances de l'Incarnation qui devait se réaliser hic et nunc, en tel lieu et en tel temps, de telle sorte que le Verbe devait s'incarner dans le sein de la Vierge Marie, « fiancée à un homme de la maison de David nommé Joseph » (Luc, I, 27).
La prédestination de Jésus à la filiation divine naturelle implique ainsi celle de Marie à la maternité divine. Dès lors la prédestination de Marie à cette divine maternité est manifestement antérieure à sa prédestination à la gloire, puisque le Christ est le premier des prédestinés.
Ainsi se confirme grandement ce que nous disions dans les pages précédentes.
Il est manifeste aussi que la prédestination de Marie comme celle du Christ est gratuite.
Il est clair, en effet, que Jésus a été prédestiné a la filiation divine naturelle indépendamment de ses mérites, car ses mérites supposent sa personne divine de Fils de Dieu, et Jésus comme homme a été précisément prédestiné à être Fils de Dieu par nature. C'est le principe de tous ses mérites et ce principe ne peut donc être mérité, il serait à la fois cause et effet sous le même rapport, il se causerait lui-même.
De même la prédestination de Marie à la maternité divine est gratuite ou indépendante des mérites de la Sainte Vierge, car, nous l'avons vu, elle n'a pu mériter cette divine maternité, ç'eut été mériter l'incarnation même, qui est le principe éminent de tous les mérites des hommes depuis la chute. C'est pourquoi Marie dit dans le Magnificat : « Mon âme glorifie le Seigneur... parce qu'il a jeté les yeux sur la bassesse (ou l'humble condition) de sa servante. »
Quant à la prédestination de Marie à la gloire et à la grâce, elle est manifestement gratuite elle aussi, comme suite ou conséquence moralement nécessaire de sa prédestination toute gratuite à la maternité divine. Et cependant Marie a mérité le ciel, car elle a été prédestinée à l'obtenir par ses mérites. Sur la prédestination de Marie, cf. Dict. Théol., art. Marie, col. 2358.
On voit dès lors l'ordre du plan divin : 1° Dieu a voulu manifester sa bonté; 2° il a voulu le Christ et sa gloire de Rédempteur, ce qui suppose la permission simultanée du péché originel pour un plus grand bien; 3° il a voulu la Bienheureuse Vierge Marie comme Mère de Dieu Rédempteur; 4° il a voulu par voie de conséquence la gloire de Marie; 5° il lui a voulu la grâce et les mérites par lesquels elle obtiendrait cette gloire; 6° il a voulu la gloire et la grâce des autres élus.
La prédestination de Marie apparait ainsi dans toute son élévation. On comprend pourquoi l'Eglise lui applique par extension ces paroles du livre des Proverbes, VIII, 22-35 : « Le Seigneur m'a possédée au commencement de ses voies, avant ses œuvres les plus anciennes.
J'ai été fondée dès l'éternité, dès le commencement, avant les origines du monde... Lorsqu'il disposa les cieux, j'étais là,... lorsqu'il posa les fondements de la terre, j'étais à l'œuvre auprès de lui, me réjouissant chaque jour, et jouant sans cesse en sa présence, jouant sur le globe de la terre, et trouvant mes délices parmi les enfants des hommes... Celui qui me trouve ; a trouvé la vie et il obtient la faveur du Seigneur. »
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Jeu 14 Mai 2020, 22:13 | |
| PREMIÈRE PARTIE La Maternité divine et la plénitude de la grâce
Article I LA PRÉDESTINATION DE MARIE La gratuité de la prédestination de Marie
Marie a été mystérieusement annoncée comme celle qui triomphera du serpent infernal (Gen., III, 15), comme la Vierge qui enfantera l'Emmanuel (Is., VII, 14); elle a été figurée par l'Arche d'alliance, la maison d'or, la tour d'ivoire.
Tous ces témoignages montrent qu'elle a été prédestinée d'abord à être Mère de Dieu, Mère du Rédempteur; et la raison pour laquelle la plénitude de gloire et de grâce lui a été accordée, c'est précisément pour qu'elle fût la digne Mère de Dieu, « ut redderetur idonea ad hoc quod esset mater Christi », a dit saint Thomas, IIIa, q. 27, a. 5, ad 2.
Ce point de doctrine lui paraissait très certain, car il disait, ibid. corp. art. : « La Bse Vierge Marie a approché plus que personne de l'humanité du Christ, puisque c'est d'elle qu'il a reçu sa nature humaine. Et c'est pourquoi Marie a dû recevoir du Christ une plénitude de grâce qui dépasse celle de tous les saints. »
Pie IX parle de même au début de la Bulle Ineffabilis Deus : « Dieu, dès le commencement et avant tous les siècles, choisit et prépara pour son Fils unique la Mère de laquelle, s'étant incarné, il naîtrait dans la bienheureuse plénitude des temps; il l'aima plus elle seule que l'universalité des créatures, prae creaturis universis, et d'un tel amour, qu'il mit en elle, d'une manière singulière, ses plus grandes complaisances.
C'est pourquoi, puisant dans les trésors de sa divinité, il la combla si merveilleusement, bien plus que tous les esprits angéliques, bien plus que tous les saints, de l'abondance de tous les dons célestes, qu'elle fut toujours complètement exempte de tout péché, et que, toute belle et parfaite, elle apparut dans une telle plénitude d'innocence et de sainteté qu'on ne peut, hors celle de Dieu, en concevoir une plus grande, et que nulle autre pensée que celle de Dieu même ne peut en mesurer la grandeur. » Nous avons cité ce texte en latin, plus haut, p. 7, n. 2 et plus longuement, infra, p.67.
Article II AUTRES RAISONS DE L'ÉMINENTE DIGNITÉ DE LA MÈRE DE DIEU
Nous avons vu que, par le décret même de l'Incarnation ex Maria Virgine, la Sainte Vierge a été prédestinée d'abord à la maternité divine et par voie de conséquence à la gloire et à la grâce. Mais il y a d'autres raisons qui montrent que la maternité divine surpasse la plénitude de grâce. Nous allons les exposer maintenant.
Valeur d'une dignité d'ordre hypostatique
Il faut considérer le terme même auquel la maternité divine est immédiatement ordonnée, car la valeur d'une relation dépend du terme qu'elle regarde et qui la spécifie, comme dans les élus la dignité de la connaissance divine et de l'amour divin dépend de l'élévation de leur objet, de l'essence divine connue immédiatement.
Or la maternité divine est par son terme de l'ordre hypostatique, qui surpasse celui de la grâce et de la gloire.
Marie, en effet, par sa maternité divine a une relation réelle au Verbe de Dieu fait chair ; cette relation se termine à la Personne incréée du Verbe incarné, car elle est la Mère de Jésus qui est Dieu ; la maternité divine ne se termine pas précisément à l'humanité de Jésus, mais à Jésus lui-même en personne ; c'est lui, et non pas son humanité, qui est le Fils de Marie.
Et donc, comme le dit Cajetan, la maternité divine « atteint aux frontières de la Divinité », elle est par son terme de l'ordre hypostatique, ordre de l'union personnelle de l'humanité de Jésus au Verbe incréé. Cela résulte de la définition même de la Maternité divine, telle qu'elle est formulée par le Concile d'Ephèse.
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Sam 16 Mai 2020, 07:52 | |
| PREMIÈRE PARTIE
Article II
AUTRES RAISONS DE L'ÉMINENTE DIGNITÉ DE LA MÈRE DE DIEU
Valeur d'une dignité d'ordre hypostatique
Or, cet ordre de l'union hypostatique dépasse immensément celui de la grâce et de la gloire, copine ce dernier dépasse celui de la nature, de la nature humaine ou même des natures angéliques créées et créables.
Si les trois ordres rappelés par Pascal dans ses Pensées, celui des corps, celui des esprits et de leurs facultés naturelles parfois géniales, celui de la charité surnaturelle ont entre eux une distance sans mesure, il faut en dire autant de l'ordre hypostatique et de celui de la grâce et de la gloire tel qu'il est réalisé dans les plus grands saints.
« La terre et ses royaumes, le firmament et ses étoiles ne valent pas la moindre pensée ; - tous les esprits ensemble (et leurs facultés naturelles) ne valent pas le moindre mouvement de charité, qui est d'un autre ordre, tout surnaturel. »
De même tous les actes de charité des plus grands saints, hommes ou anges, et leur gloire au ciel restent immensément inférieurs à l'union personnelle ou hypostatique de l'humanité de Jésus au Verbe. La maternité divine, qui se termine à la Personne incréée du Verbe fait chair, dépasse donc sans mesure par son terme le grâce, la gloire de tous les élus et la plénitude de grâce et de gloire reçue par Marie elle-même.
Saint Thomas dit, Ia, q. 25, a. 6, ad 4 ; « L'humanité du Christ parce qu'elle est unie à Dieu, la béatitude des élus parce qu'elle est la possession de Dieu, la bienheureuse Vierge parce qu'elle est la mère de Dieu, ont une certaine dignité infinie par leur relation à Dieu lui-même, et de ce côté il ne peut rien y avoir de plus parfait, car il ne peut rien y avoir de meilleur que Dieu même. »
Saint Bonaventure dit aussi : « Dieu peut faire un monde plus grand, mais il ne peut faire une mère plus parfaite que la Mère de Dieu » (Spéculum, c. VIII).
Comme, le remarque le P. E. Hugon, O.P., « La maternité divine est par nature supérieure à la filiation adoptive.
Celle-ci ne produit qu'une parenté spirituelle et mystique, la maternité de la Sainte Vierge établit une parenté de nature, une relation de consanguinité avec Jésus-Christ et d'affinité avec la Sainte Trinité tout entière.
La filiation adoptive n'engage pas si strictement Dieu à notre égard; la maternité divine impose à Jésus ces devoirs de justice que les enfants, par une obligation de nature, ont à l'égard de leurs parents et elle confère à Marie domaine et pouvoir sur Jésus, car c'est là un droit naturel qui accompagne la dignité maternelle. »
La maternité divine dépasse par suite toutes les grâces gratis datae ou charismes, comme le sont la prophétie, la connaissance des secrets des cœurs, le don des miracles ou celui des langues, car ces dons en quelque sorte extérieurs sont inférieurs à la grâce sanctifiante.
Notons aussi que la maternité divine est inamissible, tandis que la grâce ici-bas peut se perdre.
Source : Livres-mystiques.com
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| | | ami de la Miséricorde Assidu
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Dim 17 Mai 2020, 07:22 | |
| PREMIÈRE PARTIE
Article II
AUTRES RAISONS DE L'ÉMINENTE DIGNITÉ DE LA MÈRE DE DIEU
Valeur d'une dignité d'ordre hypostatique
La valeur de cette éminente dignité a été bien mise en relief par Bossuet, lorsqu'il dit dans le Sermon sur la conception de la Sainte Vierge (vers la fin du 1er point) « Dieu a tellement aimé le monde, dit notre Sauveur, qu'il lui a donné son Fils unique (Jean, III, 16)... (Mais) l'amour ineffable qu'il avait pour vous, ô Marie, lui a fait concevoir bien d'autres desseins en votre faveur. Il a ordonné qu'il fût à vous en la même qualité qu'il lui appartient ; et pour établir avec vous une société éternelle, il a voulu que vous fussiez la mère de son Fils unique, et être le père du vôtre. O prodige ! ô abîme de charité ! quel esprit ne se perdrait pas dans la considération de ces complaisances incompréhensibles qu'il a eues pour vous ; depuis que vous lui touchez de si près par ce commun Fils, le nœud inviolable de votre sainte alliance, le gage de vos affections mutuelles, que vous vous êtes donné amoureusement l'un à l'autre ; lui, plein d'une divinité impassible ; vous, revêtu, pour lui obéir, d'une chair mortelle. »
Dieu le Père a communiqué à son Fils unique la nature divine, Marie lui a donné la nature humaine, sujette à la douleur et à la mort, pour notre rédemption ; mais c'est le même Fils unique, et c'est ce qui fait toute la grandeur de la maternité de Marie.
La raison de toutes les grâces accordées à Marie
L'éminente dignité de la maternité divine se manifeste encore sous un aspect nouveau, si l'on considère qu'elle est la raison pour laquelle la plénitude de grâce a été accordée à la Sainte Vierge, elle en est la mesure et la fin ; elle lui est donc supérieure. Si, en effet, Marie dès le premier instant reçoit cette plénitude de grâce, c'est pour qu'elle veuille saintement concevoir l'Homme-Dieu en disant avec la plus parfaite générosité son fiat au jour de l'Annonciation, malgré toutes les souffrances annoncées pour le Messie ; c'est pour qu'elle l'enfante en restant vierge, pour qu'elle entoure son enfance des soins les plus maternels et les plus saints ; pour qu'elle s'unisse à lui dans une très étroite conformité de volonté, comme seule une mère très sainte, pendant sa vie cachée, sa vie apostolique, et sa vie douloureuse ; Pour qu'elle dise héroïquement son second fiat au pied de la Croix, avec Lui, par Lui et en Lui.
Comme le dit le P. E. Hugon : « La maternité divine exige une intime amitié avec Dieu. C'est déjà une loi de nature et un précepte que la mère aime son fils et que celui-ci aime sa mère, il faut donc que Marie et son Fils s'aiment mutuellement, et puisque cette maternité est surnaturelle, elle requiert une amitié du même ordre, et dès lors sanctifiante, car du fait que Dieu aime une âme, il la rend aimable à ses yeux, et la sanctifie. » Il y a par suite la plus étroite conformité entre la volonté de Marie et l'oblation de son Fils qui fut comme l'âme du sacrifice de la croix.
Il est clair que telle est la raison ou la fin pour laquelle lui a été accordée la plénitude initiale de grâce, puis la plénitude de grâce consommée ou de gloire. Elle en est en même temps la mesure ; elle lui est donc manifestement supérieure. Il ne sera pas toujours possible de déduire de cette éminente dignité chacun des privilèges reçus par Marie, mais tous cependant dérivent d'elle. Si enfin elle a été prédestinée de toute éternité au plus haut degré de gloire après Lui, c'est parce qu'elle était prédestinée d'abord à être sa très digne Mère, et à le rester éternellement après l'avoir été dans le temps. Lorsqu'au ciel les saints contemplent le très haut degré de gloire de Marie au-dessus de tous les anges, ils voient que le motif pour lequel elle y a été prédestinée, c'est pour qu'elle fût et restât éternellement la très digne Mère de Dieu, Mater Creatoris, Mater Salvatoris, sancta Dei genitrix.
Source : Livres-mystiques.com
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Dim 17 Mai 2020, 21:34 | |
| PREMIÈRE PARTIE
Article II AUTRES RAISONS DE L'ÉMINENTE DIGNITÉ DE LA MÈRE DE DIEU
La raison de toutes les grâces accordées à Marie
Saint Albert le Grand l'affirme à plusieurs reprises. Les poètes aussi ont souvent chanté ce mystère, nous citerons ici un des plus récents.
Le motif du culte d'hyperdulie
La doctrine que nous venons d'exposer se confirme encore par une dernière considération proposée par beaucoup de théologiens.
C'est à raison de la maternité divine et non pas tant de la plénitude de grâce, qu'on doit à Marie un culte d'hyperdulie, supérieur à celui dû aux saints si éminents soient-ils comme degré de grâce et de gloire.
En d'autres termes si ce culte d'hyperdulie est dû à Marie, ce n'est pas parce qu'elle est la plus grande sainte, mais parce qu'elle est la Mère de Dieu. Il ne lui serait pas dû, si elle avait le même degré de gloire sans avoir été prédestinée à la maternité divine. Saint Thomas l'a enseigné formellemen.
Dans les litanies de la Bse Vierge, le premier titre de gloire qui est énoncé est celui-ci : Sancta Dei Genitrix, tous les autres suivent comme ceux qui conviennent à la Mère de Dieu : Sancta Virgo virginum, Mater divianae gratiae, Mater purissima, Mater castissima, Mater inviolata, Mater intemerata, Mater admirabilis, Mater boni consilii, etc
Conséquences des principes
Il suit de ce que nous venons de dire que purement et simplement, simpliciter loquendo, la maternité divine etiam nude spectata, c'est-à-dire même prise isolément, est supérieure à la plénitude de grâce soit initiale soit consommée, car elle est par son terme d'un ordre supérieur, de l'ordre hypostatique.
Ainsi l'âme raisonnable, qui est d'ordre substantiel, même considérée isolément, est plus parfaite que ses facultés supérieures d'intelligence et de volonté, car elle est la raison de ces facultés qui dérivent d'elle, à titre d'accidents et de propriétés, pour qu'elle-même puisse connaître et vouloir. Analogiquement la maternité divine, même considérée isolément, est la raison de la plénitude de grâce, et par là lui est supérieure.
Nous saisissons ainsi la force de la raison pour laquelle Marie a été prédestinée d'abord à être la Mère de Dieu avant de l'être au plus haut degré de gloire après le Christ.
La dignité d'une relation se prend plus du terme qu'elle regarde que de son fondement ; or la maternité divine est relative à la personne du Verbe fait chair ; ainsi dans l'ordre humain la mère d'un roi lui tient de plus près que le meilleur de ses juristes.
Cependant à un point de vue secondaire, secundum quid, disent les théologiens, la grâce sanctifiante et la vision béatifique sont plus parfaites que la maternité divine, car la grâce habituelle sanctifie formellement, ce que la maternité divine ne peut pas faire, car elle n'est qu'une relation au Verbe fait chair; et la vision béatifique unit immédiatement l'intelligence créée des élus à l'essence divine, sans l'intermédiaire de l'humanité du Christ.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Lun 18 Mai 2020, 22:26 | |
| PREMIÈRE PARTIE
Article II AUTRES RAISONS DE L'ÉMINENTE DIGNITÉ DE LA MÈRE DE DIEU
Conséquences des principes
Il est évident que, dans le Christ, l'union hypostatique des deux natures dépasse simpliciter, purement et simplement, la vision béatifique, bien que celle-ci lui apporte une perfection nouvelle dans l'ordre de la connaissance, car l'union hypostatique ne béatifie pas formellement. De même, toute proportion gardée, la maternité divine, étant d'ordre hypostatique, dépasse simpliciter, purement et simplement, la plénitude de grâce et de gloire, bien que celle-ci soit plus parfaite secundum quid à un point de vue secondaire.
La, maternité divine n'étant qu'une relation réelle au Verbe fait chair ne suffit pas à sanctifier Marie, mais c'est elle qui exige ou postule la plénitude de grâce qui lui fut accordée pour qu'elle fût et restât toujours à la hauteur de son exceptionnelle mission. Elle ne pouvait pas être prédestinée à être Mère du Sauveur sans être prédestinée à être sa digne Mère, Tout repose sur cette vérité qui est absolument certaine. Elle domine toute la Mariologie, comme toute la Christologie dérive de cette vérité que Jésus est le Fils de Dieu.
De ce que Marie par le terme de sa maternité divine appartient à l'ordre hypostatique, il suit qu'elle est supérieure aux anges et au sacerdoce participé des prêtres du Christ. Sans doute, n'ayant pas reçu le caractère sacerdotal, elle ne pourrait pas consacrer comme le fait le prétre à l'autel, mais la dignité éminente de Mère de Dieu est pourtant supérieure à notre sacerdoce et à l'épiscopat, car elle est d'ordre hypostatique ; c'est ainsi que Marie nous a donné la sainte Victime offerte sur la croix et sur l'autel ; elle nous a donné aussi le Prêtre principal du sacrifice de la messe, et elle lui a été associée plus intimement que personne, plus que les stigmatisés et les martyrs, au pied de la croix.
De ce point de vue, l'ordination sacerdotale, si elle la recevait (ce qui ne convient pas à sa mission), lui donnerait quelque chose d'inférieur à ce qu'exprime le titre de Mère de Dieu. Et c'est le cas de rappeler les paroles de saint Albert le Grand : « Beata Virgo non est assumpta in ministerium a Domino, sed in consortium et adjutorium juxta illud « Faciamus ei adjutorium simile sibi » (Mariale, 42 et 165).
Marie n'a pas été choisie pour être ministre du Sauveur, mais pour lui être associée et pour l'aider dans l'œuvre de la Rédemption.
Cette maternité divine est donc, comme on l'enseigne communément, le fondement, la racine et la source de toutes les grâces et privilèges de Marie, soit qu'ils la précèdent comme disposition, soit qu'ils l'accompagnent ou la suivent comme résultante.
C'est en vue de cette maternité divine, que Marie est l'Immaculée Conception, préservée de la tâche originelle par les mérites futurs de son Fils ; elle a été rachetée par lui aussi parfaitement que possible : non pas guérie, mais préservée de la souillure originelle avant d'en avoir été effleurée un seul instant.
C'est en vue de cette maternité divine qu'elle a reçu la plénitude initiale de grâce qui ne devait pas cesser de grandir en elle jusqu'à la plénitude consommée.
C'est en vue de cette divine maternité qu'elle a été exempte de toute faute personnelle, même vénielle, et de toute imperfection, car elle n'a jamais été moins prompte à suivre les inspirations divine même données par mode de simple conseil. L'éminente dignité de Mère de Dieu l'emporte donc sur celle de tous les saints réunis.
Pensons que Marie a eu l'autorité d'une mère sur le Verbe de Dieu fait chair, elle a contribué ainsi, non pas à lui donner la vision béatifique, ni sa science infuse, mais à former progressivement sa science acquise qui éclairait la prudence acquise dont il accomplissait les actes proportionnés aux divers âges de sa vie d'enfance et de sa vie cachée. En ce sens le Verbe fait chair a été soumis à Marie avec les plus grands sentiments de respect et d'amour. Comment n'aurions-nous pas ces sentiments pour la Mère de notre Dieu.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Mar 19 Mai 2020, 22:20 | |
| Article II AUTRES RAISONS DE L'ÉMINENTE DIGNITÉ DE LA MÈRE DE DIEU
Conséquences des principes
Dans un des plus beaux livres qui' ait été écrit sur Marie, le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, le Bx de Montfort dit (ch. 1, a. 1) : « Dieu fait homme a trouvé sa liberté à se voir emprisonné dans son sein ; il a fait éclater sa force à se laisser porter par cette petite fille ; il a trouvé sa gloire et celle de son Père, à cacher ses splendeurs à toutes les créatures ici-bas, pour ne les révéler qu'à Marie ; il a glorifié son indépendance et sa majesté à dépendre de cette aimable Vierge dans sa conception, en sa naissance, en sa présentation au temple, en sa vie cachée de trente ans, jusqu'à sa mort, où elle devait assister pour ne faire avec elle qu'un même sacrifice, et pour être immolé par son consentement au Père éternel, comme autrefois Isaac par le consentement d'Abraham, à la volonté de Dieu...
C'est elle qui l'a allaité, nourri, entretenu, élevé et sacrifié pour nous... Et enfin Notre-Seigneur est encore au ciel aussi Fils de Marie qu'il l'était sur la terre. »
Tel est le premier motif de la dévotion du culte d'hyperdulie, que nous devons avoir envers elle.
C'est pourquoi toute la Tradition et particulièrement les conciles d'Ephèse et de Constantinople ont tenu à proclamer avant tout ait sujet de la Vierge Marie qu'elle est la Mère de Dieu, ce qui était contre le Nestorianisme une affirmation nouvelle de la divinité de Jésus.
Notons, en terminant ce chapitre, que pour bien des âmes intérieures il est tellement évident que le titre de Mère de Dieu est le premier titre de Marie, celui qui entraîne, explique, appelle tous les autres, qu'elles ne comprennent pas qu'on discute des choses si évidentes.
Il leur parait clair que si nous avions pu former notre mère, de quels dons ne l'aurions-nous pas enrichie, si ces dons avaient été à notre disposition.
Saint Thomas se contente de dire, IIIa q. 27, a. 5, corp. et ad 2 : « Marie pour être la digne Mère du Verbe fait chair a dû recevoir la plénitude de grâce. » Bossuet dit de même, Sermon sur la Compassion de la Sainte Vierge (1er point fin) : « Comme la providence de Dieu dispose toutes les choses avec une juste admirable, il fallait quil imprimât dans le cœur de la SainteVierge une affection qui passât de bien loin la nature, et qui allât jusqu'au dernier degré de la grâce, afin qu'elle eût pour son Fils des sentiments dignes d'une mère de Dieu, et dignes d'un homme Dieu. »
CHAPITRE II
- La plénitude initiale de grâce en Marie « Ave, gratia plena.. » (Luc, I, 28.)
Après avoir vu quelle est l'élévation en Marie de son titre de Mère de Dieu, raison de tous les privilèges qui lui ont été accordés, il convient de considérer quel est le sens et la portée des paroles qui lui furent dites par l'Archange Gabriel au jour de l'Annonciation : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes » (Luc, I, 28).
Pour saisir le sens de ces paroles dites au nom de Dieu, nous considérerons : 1° les diverses plénitudes de grâce; 2° le privilège de l'Immaculée Conception; 3° l'élévation de la première grâce en Marie.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Jeu 21 Mai 2020, 08:13 | |
| CHAPITRE II
- La plénitude initiale de grâce en Marie « Ave, gratia plena.. » (Luc, I, 28.)
Article I - LES DIVERSES PLÉNITUDES DE GRÂCE
Dans cette expression « plénitude de grâce », il s'agit, selon le sens habituel de l'Ecriture qui devient de plus en plus explicite dans le Nouveau Testament, de la grâce proprement dite, qui se distingue réellement de la nature, soit de la nature humaine, soit de la nature angélique, comme un don de Dieu tout gratuit, qui dépasse les forces naturelles et les exigences de toute nature créée et même créable.
La grâce habituelle ou sanctifiante nous fait participer à la nature même de Dieu ou à sa vie intime selon les paroles de saint Pierre (II Petr., I, 4) : « Jésus-Christ nous a mis en possession de si grandes, et si précieuses promesses, afin de nous rendre participants de la nature diyine. »
Par la grâce nous sommes devenus enfants adoptifs de Dieu, ses héritiers et cohéritiers du Christ (Rom., VIII, 17) ; par elle nous sommes « nés de Dieu » (Jean, I, 13).
Elle nous dispose à recevoir la vie éternelle comme un héritage et comme la récompense des mérites, dont elle est le principe. Elle est même le germe de la vie éternelle, « semen gloriae » dit la Tradition, en tant qu'elle nous dispose dès maintenant à voir Dieu immédiatement comme lui-même se voit et à l'aimer comme il s'aime.
Cette grâce habituelle ou sanctifiante est reçue dans l'essence même de notre âme comme une greffe surnaturelle qui en surélève la vitalité, la déifie.
D'elle dérivent dans nos facultés les vertus infuses, théologales et morales et aussi les sept dons du Saint-Esprit, c'est-à-dire tout ce qui constitue notre organisme surnaturel, qui est en nous, à la façon des vertus acquises, comme une seconde nature, de telle sorte que nous exerçons connaturellement les actes surnaturels et méritoires des vertus infuses et des sept dons.
Il suit de là que par la grâce habituelle la Sainte Trinité habite en nous comme dans un temple où elle est connue et aimée, où elle est quasi expérimentalement connaissable, et parfois connue, lorsque par une inspiration spéciale elle se fait sentir à nous comme la vie de notre vie, « car nous avons recu un Esprit d'adoption en qui nous crions : Abba ! Père » (Rom., VIII, 15).
L'Esprit-Saint nous inspire alors une affection filiale pour lui, et en ce sens « il rend témoignage à notre esprit que nous sommes les enfants de Dieu » (Rom., VIII, 16).
Si la grâce habituelle nous fait ainsi enfants de Dieu, la grâce actuelle ou transitoire nous dispose à le devenir, et ensuite nous fait agir, soit par les vertus infuses, soit par les dons, ou simultanément par les uns et les autres, comme de vrais enfants de Dieu. Cette vie nouvelle n'est autre que la vie éternelle commencée, puisque la grâce habituelle et la charité doivent durer éternellement.
Cette grâce, autrement dit cette vie divine, n'est pas, moins gratuite pour les anges que pour nous. Comme le dit saint Augustin (De Civ. Dei, XII, c. 9) : « Deus eos creavit, simul in eis condens naturam et largiens gratiam. »
Dieu, en créant leur nature leur a accordé gratuitement la grâce, à laquelle leur nature purement spirituelle, si élevée soit-elle, n'avait aucun droit, si bien qu'ils auraient pu être créés, comme nous aussi, dans un état purement naturel, sans cette greffe divine qui apporte une vie nouvelle.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Ven 22 Mai 2020, 07:28 | |
| CHAPITRE II
- La plénitude initiale de grâce en Marie « Ave, gratia plena.. » (Luc, I, 28.)
Article I - LES DIVERSES PLÉNITUDES DE GRÂCE
La grâce dont il est question dans ces paroles de l'ange : « Ave, gratia plena » est donc supérieure aux forces naturelles et aux exigences de toute nature créée et créable ; étant une participation de la nature divine ou de la vie intime de Dieu, elle nous fait entrer à proprement parler dans le régne de Dieu, immensément au-dessus des divers règnes de la nature, qu'on peut appeler règnes minéral végétal, animal, humain et même angélique.
A tel point que saint Thomas peut dire ; « bonum gratiae unius majus est quam bonum naturae totius universi. » Le moindre degré de grâce sanctifiante contenu dans l'âme d'un petit enfant après son baptême vaut plus que le bien naturel de tout l'univers, plus que toutes les natures créées y compris les natures angéliques.
Il y a là une participation de la vie intime de Dieu, qui est supérieure aussi à tous les miracles et autres signes extérieurs de la révélation divine ou de la sainteté des serviteurs de Dieu.
C'est de cette grâce, germe de la gloire, qu'il est question clans la parole adressée par l'ange à Marie : « Je vous salue, pleine de grâce », et l'ange devait voir que, bien qu'il eut lui-même la vision béatifique, la vierge sainte qu'il saluait avait un degré de grâce sanctifiante et de charité supérieur à lui, le degré qui convenait pour qu'elle devint en cet instant même la digne mère de Dieu.
Sans doute Marie a reçu aussi du Très-Haut dans leur perfection les dons naturels du corps et de l'âme. Si, même au point de vue naturel, l'âme de Jésus, personnellement unie au Verbe, réunit en elle tout ce qu'il y a de noble et de beau dans l'âme des plus grands artistes, poètes, penseurs de génie, des hommes les plus généreux, toute proportion gardée, l'âme de Marie, par sa nature même, par la perfection naturelle de son intelligence, de sa volonté, de sa sensibilité, est un chef-d'œuvre du Créateur.
Elle dépasse bien sûr tout ce que nous avons pu constater dans les personnes les mieux douées comme pénétration naturelle et sûreté de l'intelligence, force de volonté, équilibre ou harmonie des facultés supérieures et inférieures. En elle, du fait qu'elle a été préservée du péché originel et de ses suites flétrissantes, la convoitise et l'inclination à l'erreur, le corps n'appesantissait pas l'âme, mais lui était parfaitement soumis. Si la Providence, en formant le corps d'un saint, a en vue l'âme qui doit vivifier ce corps, en formant le corps de Marie, elle avait en vue le corps et la sainte âme du Verbe fait chair. Comme se plaît à le rappeler saint Albert le Grand, les Pères disent que la Vierge Marie, même au point de vue naturel, a réuni la grâce de Rébecca, la beauté de Rachel, la douce majesté d'Esther. Ils ajoutent que cette beauté très pure n'arrêtait jamais à elle ; mais élevait toujours les âmes vers Dieu.
Plus ces dons naturels sont parfaits, plus ils montrent l'élévation de la vie invisible de la grâce qui les dépasse sans mesure.
Il faut remarquer enfin, en parlant de la plénitude de grâce en général, que celle-ci existe à trois degrés très différents, dans le Christ, en Marie et dans les saints. Saint Thomas l'explique en divers endroits.
Il y a d'abord la plénitude absolue de grâce qui est propre au Christ, sauveur de l'humanité. Selon la puissance ordinaire de Dieu, il ne saurait y avoir de grâce plus élevée et plus étendue que la sienne. C'est la source éminente et inépuisable de toutes les grâces que reçoit l'humanité tout entière depuis la chute, et qu'elle recevra dans la suite des temps ; c'est la source aussi de la béatitude des élus, car Jésus nous a mérité tous les effets de notre prédestination comme le montre bien saint Thomas (IIIa, q. 24, a. 4).
Il y a en second lieu, la plénitude dite de surabondance, qui est le privilège spécial de Marie, et qui est appelée ainsi parce qu'elle est comme un fleuve spirituel qui, depuis près de deux mille ans, se déverse sur tous les hommes.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Sam 23 Mai 2020, 09:29 | |
| CHAPITRE II
- La plénitude initiale de grâce en Marie « Ave, gratia plena.. » (Luc, I, 28.)
Article I - LES DIVERSES PLÉNITUDES DE GRÂCE
Il y a enfin la plénitude de suffisance qui est commune à tous les saints, et qui les rend capables d'accomplir les actes méritoires, normalement de plus en plus parfaits, qui les font parvenir au salut éternel.
Ces trois plénitudes subordonnées ont été justement comparées à celle d'une source intarissable, à celle du fleuve qui en procède, et à celle des canaux alimentés par ce fleuve pour irriguer et fertiliser les régions qu'il traverse, c'est-à-dire les diverses parties de l'Eglise universelle dans l'espace et dans le temps.
Ce fleuve de grâce provient de Dieu par le Sauveur selon la belle image biblique (Is., XLV, 8 : « Rorate coeli desuper et nubes pluant justum. » « Cieux répandez d'en haut votre rosée et que les nues fassent pleuvoir la justice.
Que la terre s'ouvre et produise le salut. » Ensuite ce fleuve de grâce remonte, sous forme de mérites, de prières et de sacrifices, vers Dieu, océan de la paix.
Pour suivre la même image, la plénitude de la source n'a pas augmenté, au contraire, celle du fleuve qui en dérive n'a cessé de s'accroître sur terre.
Pour parler sans métaphore, la plénitude absolue de grâce n'a jamais grandi en Notre-Seigneur, car elle était souverainement parfaite dès le premier instant de sa conception, comme suite de l'union personnelle au Verbe de laquelle dérivait dès cet instant la lumière de gloire et la vision béatifique, de telle sorte que, comme le dit le II° Concile de Constantinople (Denz., 224), le Christ n'est jamais devenu meilleur par le progrès de ses actes méritoires : « Ex profectu operum non melioratus est. »
Au contraire, la plénitude de surabondance propre à Marie n'a cessé de grandir jusqu'à sa mort C'est pourquoi les théologiens considèrent généralement en elle : 1° la plénitude initiale ; 2° la plénitude de la seconde sanctification à l'instant de la conception du Sauveur ; 3° la plénitude finale (à l'instant de son entrée dans la gloire), son extension et sa surabondance.
Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Le plénitude initiale de grâce en Marie nous apparaît sous deux aspects : l'un qui est en quelque sorte négatif du moins dans son expression : la préservation du péché originel ; l'autre, qui est positif : la conception absolument pure et sainte par la perfection même de la grâce sanctifiante initiale, racine des vertus infuses et des sept dons du Saint-Esprit.
La définition dogmatique
La définition du dogme de l'Immaculée Conception par Pie IX, le 8 décembre 1854, s'exprime ainsi : « Nous déclarons, prononçons et définissons que la doctrine suivant laquelle, par une grâce et un privilège spécial de Dieu tout-puissant, et en vertu des mérites de Jésus-Christ, sauveur du genre humain, la bienheureuse Vierge Marie a été préservée de toute tache du péché originel au premier instant de sa conception, est révélée de Dieu et doit, par conséquent, être crue fermement et constamment par tous les fidèles » (Denzinger, n° 1641).
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Sam 23 Mai 2020, 22:22 | |
| CHAPITRE II - La plénitude initiale de grâce en Marie « Ave, gratia plena.. » (Luc, I, 28.)
Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
La définition dogmatique
Cette définition contient surtout trois points importants :
1° Il y est affirmé que la bienheureuse Vierge Marie a été préservée de toute tache du péché originel au premier instant de sa conception, c'est-à-dire de sa conception passive et consommée, quand son âme a été créée et unie au corps, puisque alors seulement il y a personne humaine, et la définition porte sur ce privilège accordé à la personne même de Marie. Il y est dit que c'est un privilége spécial et une grâce tout à fait singulière, effet de la toute-puissance divine.
Que faut-il entendre selon l'Eglise, par le péché originel dont Marie a été préservée ? L'Eglise n'a pas défini quelle est la nature intime du péché originel, mais elle a fait connaître ce qu'il est par ses effets : inimitié ou malédiction divine, souillure de l'âme, état d'injustice ou de mort spirituelle, servitude sous l'empire du démon, assujettissement à la loi de la concupiscence, de la souffrance et de la mort corporelle, considérée comme peine du péché commun.
Ces effets supposent la privation de la grâce sanctifiante qu'Adam avait reçue avec l'intégrité de nature pour lui et pour nous, et qu'il a perdue pour lui et pour nous.
Il faut donc dire que Marie, dès l'instant de sa conception, n'a pu être préservée de toute tache du péché originel qu'en recevant la grâce sanctifiante, c'est-à-dire l'état de justice et de sainteté, effet de l'amitié divine opposée à la malédiction divine, et que par suite elle a été soustraite à la servitude sous l'empire du démon, et à l'assujettissement à la loi de la concupiscence, et même de la souffrance et de la mort considérées comme peine du péché de nature, bien que, en Marie comme en Notre-Seigneur, la souffrance et la mort aient été une suite de notre nature (in carne passibili) et qu'elles aient été offertes pour notre salut.
2° Il est affirmé dans cette définition que c'est en vertu des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain que Marie a été préservée du péché originel, comme l'avait déjà déclaré en 1661 Alexandre VII (Denz., 1100).
On ne saurait donc plus admettre comme le soutinrent quelques théologiens au XIIIe siècle que Marie est immaculée en ce sens qu'elle n'a pas eu besoin de rédemption, et que la première grâce en elle est indépendante des mérites futurs de son Fils.
Selon la bulle Ineffabilis Deus, Marie a été rachetée par les mérites de son Fils, et de la façon la plus parfaite par une rédemption, non pas libératrice du péché originel déja contracté, mais par une rédemption préservatrice.
Déjà dans l'ordre humain, celui qui nous préserve d'un coup mortel est mieux encore notre sauveur que s'il nous guérissait seulement de la blessure faite par ce coup.
A l'idée de rédemption préservatrice se rattache celle-ci que Marie, fille d'Adam, descendant de lui par voie de génération naturelle, devait encourir la tache héréditaire et l'aurait encourue de fait, si Dieu n'avait pas décidé de toute éternité de lui accorder ce privilège singulier de la préservation en dépendance des mérites futurs de son Fils.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Dim 24 Mai 2020, 23:15 | |
| CHAPITRE II
Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
La définition dogmatique
Ce point de doctrine était déjà affirmé par la liturgie dans l'oraison propre de la fête de l'Immaculée Conception, qui fut approuvée par Sixte IV (1476) et où il est dit : « Ex morte ejusdem Filii tui praevisa, eam (Mariam) ab omni labe praeservasti. » La Sainte Vierge a été préservée du péché originel par la mort future de son Fils, c'est-à-dire par les mérites de Jésus mourant pour nous sur la croix.
On voit dès lors que cette préservation de Marie diffère beaucoup de celle du Sauveur lui-même, car Jésus ne fut nullement racheté par les mérites d'un autre, ni par les siens ; il a été préservé du péché originel et de tout péché, à un double titre : premièrement par l'union personnelle ou hypostatique de son humanité au Verbe, à l'instant même où sa sainte âme a été créée, car aucun péché soit originel soit actuel ou personnel ne peut être attribué au Verbe fait chair ; et secondement de par sa conception virginale, due à l'opération du Saint-Esprit, Jésus ne descend pas d'Adam par voie de génération naturelle. Cela n'appartient qu'à lui seul.
3° La définition du dogme de l'Immaculée Conception propose cette doctrine comme révélée, et donc comme contenue au moins implicitement dans le dépôt de la Révélation, c'est-à-dire dans l'Ecriture et la Tradition, ou dans l'une de ces deux sources.
Le témoignage de l'Ecriture
La bulle Ineffabilis Deus cite deux textes de l'Ecriture : Gen., III, 15 et Luc, I, 28, 42. Dans la Genèse ce privilège est implicitement ou confusément révélé comme en germe dans ces paroles de Dieu adressées au serpent, figure du démon (Gen., III, 15) : « Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci t'écrasera la tête et tu la mordras au talon. » Celle-ci, c'est-à-dire la postérité de la femme, car dans le texte hébreu, le pronom est masculin et désigne les descendants de la femme ; de même dans les Septante et la version syriaque.
La Vulgate a mis ipsa, qui se rapporte à la femme elle-même. Le sens d'ailleurs n'est pas essentiellement différent, car la femme sera associée à la victoire de celui qui représentera éminemment sa postérité en lutte avec le démon au cours des âges.
Par elles-mêmes ces paroles ne suffisent certainement pas à prouver que le privilège de l'Immaculée Conception est révélé, mais les Pères, dans leur comparaison d'Eve et Marie, y ont vu une allusion à cette grâce, c'est à ce titre que Pie IX cite cette promesse.
Une exégèse naturaliste ne voit dans ces paroles que l'expression de la répulsion instinctive qu'éprouve l'homme pour le serpent. Mais la tradition juive et chrétienne y voit beaucoup plus. La tradition chrétienne a vu dans cette promesse, qui a été appelée le protévangile, le premier trait qui sert à désigner le Messie et sa victoire sur l'esprit du mal. Jésus représente en effet éminemment la postérité de la femme, en lutte avec la postérité du serpent.
Mais si Jésus est ainsi appelé, ce n'est pas à raison du lien lointain qui l'unit à Eve, car celle-ci n'a pu transmettre à ses descendants qu'une nature déchue, blessée, privée de la vie divine ; c'est bien plutôt à raison du lien qui l'unit à Marie, dans le sein de laquelle il a pris une humanité sans tache.
Comme le dit le P. X.-M. Le Bachelet, art. cit., col. 118 : « On ne trouve pas dans la maternité d'Eve le principe de cette inimitié que Dieu mettra entre la race de la femme et la race du serpent ; car Eve est elle-même tombée comme Adam, victime du serpent. Ce principe d'inimitié ne se trouve qu'en Marie, mère du Rédempteur. Donc dans ce protévangile, la personnalité de Marie, encore que voilée, est présente, et la leçon de la Vulgate, ipsa, traduit une conséquence, qui se dégage réellement du texte sacré, car la victoire du Rédempteur est moralement, mais réellement la victoire de sa Mère. »
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Lun 25 Mai 2020, 22:46 | |
| CHAPITRE II
Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Le témoignage de l'Ecriture
Là aussi l'antiquité chrétienne n'a cessé d'opposer Eve, qui participe au pêché d'Adam en suivant la suggestion du serpent, à Marie, qui participe à l'œuvre rédemptrice du Christ en croyant aux paroles de l'ange le jour de l'Annonciation.
Dans la promesse de la Genèse est affirmée une victoire complète sur le démon : « celle-ci t'écrasera la fête », et donc sur le péché qui met l'âme dans un état de servitude sous l'empire du démon. Dès lors, comme le dit Pie IX dans La bulle Ineffabilis Deus, cette victoire sur le démon ne serait pas complète si Marie n'avait pas été préservée du péché originel par les mérites de son Fils : « De ipso (serpente) plenissime triumphans, illius caput immaculalo pede (Maria) contrivit. »
L'énoncé de ce privilège est contenue dans la promesse de la Genèse, comme le chêne est contenu dans le germe qui se trouve dans un gland ; si l'on n'avait jamais vu de chêne on ne pourrait connaître le prix de ce germe, ni ce à quoi précisément il est ordonné ; mais une fois que nous connaissons le chêne, nous voyons que ce germe était ordonné à le produire et non pas à donner un orme ou un peuplier. C'est la loi de l'évolution qui se vérifie aussi dans l'ordre de la révélation divine progressive.
La bulle Ineffabilis Deus cite aussi la salutation de l'ange à Marie (Luc, I, 28) : « Je vous salue, pleine de grâce, vous êtes bénie entre les femmes », et les mêmes paroles dites par sainte Elisabeth sous la révélation divine (Luc, I, 42). Pie IX ne dit point que ces paroles suffisent par elles-mêmes à prouver que le privilège de l'Immaculée Conception est révélé ; pour qu'elles aient cette efficacité, il faut y joindre la tradition exégétique des Pères.
Cette tradition devient explicite avec saint Ephrem le Syrien († 373) et chez les Pères grecs au lendemain du Concile d'Ephèse (431), en particulier chez deux évêques adversaires de Nestorius : saint Proclus, un des successeurs de saint Jean Chrysostome sur le siège de Constantinople (434-446) et Théodote, évêque d'Ancyre (430-439), puis chez saint Sophrone, patriarche de Jérusalem (634-638), André de Crète († 740), saint Jean Damascène, mort vers le milieu du VIII° siècle, dont les témoignages sont assez longuement rapportés par le P. X.-M. Le Bachelet, Dict. Apol., art. Marie, col. 223-231.
A la lumière de cette tradition éxégétique les paroles de l'ange à Marie : « Je vous salue, pleine de grâce », ou pleinement agréable à Dieu et aimée de lui, ne sont pas limitées dans le temps de façon à exclure quelque période initiale de la vie de Marie. Au contraire, la Sainte Vierge n'aurait pas reçu cette plénitude de grâce si son âme avait été un instant dans l'état de mort spirituelle par suite du péché originel, si elle avait été un instant privée de la grâce, détournée de Dieu, fille de colère, dans un état de servitude sous l'empire du démon.
Saint Proclus dit qu'elle a été « formée d'un limon pur » Théodote d'Ancyre dit que « le Fils du Très-Haut est issu de la Très Haute ». Saint Jean Damascène écrit que Marie est la fille très sainte de Joachim et d'Anne qui a a échappé aux traits enflammés du malin », qu'elle est un paradis nouveau « où le serpent n'a pas d'entrée furtive », qu'elle est exempte de la dette de la mort, qui est une des suites da péché originel, elle doit donc être exempte de la déchéance commune.
Si Marie avait contracté le péché originel, la plénitude de grâce aurait été restreinte en ce sens qu'elle ne se serait pas étendue à toute sa vie. L'Eglise, en lisant les paroles de la salutation angélique à la lumière de la Tradition et avec l'assistance du Saint-Esprit, y a vu le privilège de l'Immaculée Conception, implicitement révélé, non pas comme l'effet dans la cause qui peut exister sans lui, mais comme une partie dans le tout ; la partie est actuellement dans le tout au moins implicitement énoncée.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Mar 26 Mai 2020, 22:29 | |
| CHAPITRE II
Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Le témoignage de la TraditionLa Tradition elle-même affirme de plus en plus explicitement cette vérité Saint Justin, saint Irénée, Tertullien, opposent Eve cause de la mort et Marie cause de la vie et du salut. Cette antithèse est constamment rééditée par les Pères, et elle trouve place dans les documents les plus solennels du magistère suprême ; en particulier dans la bulle Ineffabilis Deus. Cette antithèse est donnée comme parfaite, sans restriction; pour qu'elle le soit, il faut que Marie ait été toujours supérieure à Eve, et donc qu'elle ne lui ait pas été inférieure au premier moment de sa vie. Les Pères disent souvent de Marie qu'elle est immaculée, qu'elle a toujours été bénie de Dieu pour l'honneur de son Fils, qu'elle est intemerata, intacta, impolluta, intaminata, illibata, entièrement sans souillure. Saint Ephrem en comparant Eve et Marie dit : « Toutes les deux sont à l'origine innocentes et simples ; mais ensuite Eve devient cause de la mort et Marie cause de la vie. » Parlant au Seigneur, il dit encore : « Vous, Seigneur, et votre Mère êtes les seuls qui soient parfaitement beaux sous tous rapports. En vous il n'y a aucune faute et en votre Mère aucune tache. Les autres enfants de Dieu n'approchent point de cette beauté. » Saint Ambroise dit de même de Marie qu'elle est exempte de toute souillure du péché « per gratiam ab omni integra labe peccati. », et saint Augustin que « au sujet seulement de la Sainte Vierge Marie, l'honneur du Seigneur ne permet pas de soulever la question du péché* ». tandis que si l'on interrogeait tous les saints et si on leur demandait : « Etiez-vous sans péché ? » ils répondraient avec l'apôtre saint Jean (I Joan., I, : « Si nous prétendons être sans péché, nous nous trompons nous-mêmes et la vérité n'est pas en nous. » Deux autres textes paraissent montrer que l'affirmation d'Augustin sur Marie exempte de tout péché s'étend à l'Immaculée Conception. On trouvera beaucoup d'autres témoignages des Pères dans les ouvrages de Passaglia[61], Palmier et Le Bachelet. Il faut ajouter que, depuis le VII° et le VIII° siècle, on célèbre dans l'Eglise, surtout dans l'Eglise grecque, la fête de la Conception de la Bienheureuse Vierge Marie : en Sicile au IX°, en Irlande au X°, presque dans toute l'Europe au XII°. Le Concile de Latran de 649 (Denz., 256) appelle Marie « immaculée ». En 1476 et 1483, Sixte IV parle en faveur du privilège à propos de la fête de la Conception de Marie (Denz.. 734 s.). Le Concile de Trente (Denz., 792) déclare lorsqu'il parle du péché originel qui atteint tous les hommes qu'il n'est pas de son intention d'y inclure la bienheureuse et immaculée Vierge Marie. En 1567, Baius est condamné pour avoir enseigné le contraire (Denz„ 1073). En 1661, Alexandre VII affirme le privilège en disant que presque tous les catholiques l'admettent, quoiqu'il ne soit pas défini (Denz., 1100). Enfin, le 8 décembre 1854, est promulguée la définition solennelle (Denz., 1641). Il faut reconnaître qu'au XII° et au XIII° siècle, de grands docteurs comme saint Bernard[64], saint Anselme[65], Pierre Lombard, Hugues de Saint-Victor, saint Albert le Grand saint Bonaventure, saint Thomas, paraissent peu favorables au privilège, parce qu'ils n'ont pas assez considéré l'instant même de l'animation ou de la création de l'âme de Marie, et qu'ils n'ont pas assez distingué, grâce à l'idée de rédemption préservatrice, que Marie, qui devait encourir la tache héréditaire, ne l'a pas encourue de fait. Ils n'ont pas toujours assez distingué entre « debebat contrahere » et « contraxit peccatum ». Nous verrons cependant plus loin qu'il y a à ce sujet trois périodes dans la vie de saint Thomas, et que si dans la seconde il n'affirme pas le privilège et parait le nier, dans la première il l'affirme et aussi, semble-t-il, dans la dernière. Source : Livres-mystiques.com Que Jésus Miséricordieux vous bénisse ami de la Miséricorde | |
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Mer 27 Mai 2020, 21:30 | |
| CHAPITRE II
Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Raisons théologiques du privilège de l'Immaculée Conception
La principale raison de convenance de ce privilège est le développement de celle que donnait avec beaucoup d'autres saint Thomas pour montrer la convenance de la sanctification de Marie dans le sein de sa mère avant sa naissance (IIIa, q. 27, a. 1) : « Il faut raisonnablement croire que celle qui devait enfanter le Fils unique de Dieu, plein de grâce et de vérité, a reçu plus que, toute autre personne les plus grands privilèges de grâce. Si donc Jérémie et saint Jean Baptiste ont été sanctifiés avant leur naissance, il faut croire raisonnablement qu'il en a été de même pour Marie. » Saint Thomas dit aussi ibid., a. 5 : « Plus on approche de la source de toute grâce, plus on reçoit d'elle ; or Marie a approché plus que personne du principe de la grâce qu'est le Chris. »
Mais il fallait développer cette raison de convenance pour arriver jusqu'au privilège dont nous parlons.
C'est le mérite de Scot (les thomistes doivent tenir à honneur de reconnaître que leur adversaire sur ce point a vu juste) d'avoir bien mis en lumière la haute convenance de ce privilège en répondant à cette difficulté formulée par plusieurs théologiens et par saint Thomas : Le Christ est le rédempteur universel de tous les hommes sans exception (Rom., III, 23; V, 12, 19; Gal., III, 22; II Cor., V, 14; I Tim., II, 16). Or si Marie n'a pas contracté le péché originel, elle n'en a pas été libérée par le Christ. Elle n'a donc pas été rachetée par lui.
A cette difficulté, Duns Scot répond par l'idée de la rédemption non pas libératrice, mais préservatrice ; il en montre toute la convenance, et il le fait, au moins en certains endroits, sans allusion à son opinion spéciale sur le motif de l'Incarnation, et de telle façon que cette haute raison de convenance peut être admise indépendamment de cette opinion.
Cette raison est la suivante : Il convient que le Rédempteur parfait exerce une rédemption souveraine au moins à l'égard de la personne de sa Mère qui doit lui être associée plus intimement qu'aucune autre dans l'œuvre du rachat de l'humanité.
Or la rédemption souveraine n'est pas seulement libératrice du péché déjà contracté, mais préservatrice de toute souillure, comme celui qui préserve quelqu'un d'un coup mortel est plus encore son sauveur que s'il le guérissait de la blessure faite par ce coup. Donc il convient hautement que le Rédempteur parfait ait, par ses mérites, préservé sa Mère du péché originel et aussi de toute faute actuelle.
L'argument avait été auparavant ébauché par Eadmer[73], il a manifestement des racines profondes dans la Tradition.
Cette raison de convenance est indiquée d'une certaine façon dans la bulle Ineffabilis Deus avec quelques autres. Il y est dit que l'honneur des parents comme leur déshonneur rejaillit sur leurs enfants, et il ne convenait pas que le Rédempteur parfait eut une Mère qui ait été conçue dans le péché.
De plus, comme le Verbe procède éternellement d'un Père très saint, il convenait qu'il naquit sur terre d'une Mère qui n'ait jamais manqué de la splendeur de la sainteté. Enfin, pour que Marie puisse réparer la chute d'Eve, vaincre les artifices du démon et donner à tous, avec le Christ, par Lui et en Lui, la vie surnaturelle, il convenait qu'elle-même n'ait jamais été dans l'état de déchéance, dans la servitude du péché et du démon.
Si l'on objecte que seul le Christ est immaculé, il est facile de répondre : seul le Christ l'est par lui-même et au double titre de l'union hypostatique et de sa conception virginale, Marie l'est par les mérites de son Fils.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Jeu 28 Mai 2020, 22:07 | |
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Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
Raisons théologiques du privilège de l'Immaculée Conception
Les conséquences du privilège de l'Immaculée Conception peuvent se développer tel que l'ont fait de grands auteurs spirituels. Marie a été préservée des suites dites flétrissantes du péché originel, qui sont la concupiscence et l'inclination à l'erreur. Depuis la définition du dogme de l'Immaculée Conception, il faut dire que le foyer de convoitise, n'a pas seulement été lié en Marie dès le sein de sa mère, mais qu'il n'a jamais existé en elle.
Aucun mouvement de sa sensibilité ne pouvait être désordonné, prévenir son jugement et son consentement. Il y eut toujours en elle la subordination parfaite de la sensibilité à l'intelligence et à la volonté, et de la volonté à Dieu, comme dans l'état d'innocence. C'est ainsi que Marie est Vierge des vierges, très pure, « inviolata, intemerata », tour d'ivoire, très pur miroir de Dieu.
De même Marie n'a jamais été sujette à l'erreur, à l'illusion; son jugement était toujours éclairé, toujours droit. Si elle n'avait pas encore la lumière sur une chose, elle suspendait son jugement et évitait la précipitation qui eut été cause d'erreur. Elle est, comme le disent les litanies, le Siège de la Sagesse, la Reine des docteurs, la Vierge très prudente, la Mère du bon conseil.
Tous les théologiens reconnaissent que la nature lui parlait du Créateur mieux qu'aux plus grands poètes, et qu'elle eut dès ici-bas une connaissance éminente et supérieurement simple de ce que dit l'Ecriture du Messie, de l'Incarnalion, de la Rédemption. Elle fut ainsi parfaitement exempte de convoitise et d'erreur.
Mais pourquoi le privilège de l'Immaculée Conception n'a-t-il pas soustrait Marie à la douleur et à la mort, qui sont aussi des suites du péché originel ?
En vérité, la douleur et la mort en Marie, comme en Jésus, ne furent pas, comme en nous, des suites du péché originel qui ne les avait jamais effleurés. Ce furent des suites de la nature humaine, qui de soi, comme la nature de l'animal est sujette à la douleur et à la mort corporelle. Ce n'est que par privilège surnaturel qu'Adam innocent était exempt de toute douleur et de la nécessité de mourir.
Jésus, pour être notre Rédempteur par sa mort sur la croix, a été virginalement conçu dans une chair mortelle, in carne passibili, et il accepta volontairement de souffrir et de mourir pour notre salut. A son exemple, Marie accepta volontairement la douleur et la mort pour s'unir au sacrifice de son Fils, pour expier avec lui à notre place et nous racheter. Et, chose étonnante, qui fait l'admiration des contemplatifs, le privilège de l'Imnaculée Conception et la plénitude de grâce, loin de soustraire Marie à la douleur, augmentèrent considérablement en elle la capacité de souffrir du plus grand des maux, qui est le péché. Précisément parce qu'elle était absolument pure, parce que son cœur était embrasé de la charité divine, Marie souffrit exceptionnellement des maux les plus graves, dont notre légèreté nous empêche de nous affliger. Nous souffrons, nous, de ce qui blesse notre susceptibilité, notre amour-propre, notre orgueil.
Marie a souffert du péché dans la mesure de son amour pour Dieu que le péché offense, de son amour pour son Fils que le péché crucifiait, dans la mesure de son amour pour nos âmes que le péché ravage et tue.
Le privilège de l'Immaculée Conception, loin de soustraire Marie à la douleur, augmenta ainsi ses souffrances et la disposa si bien à les supporter, qu'elle n'en perdit aucune, et les offrit incessamment avec celles de son Fils pour notre salut.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Sam 30 Mai 2020, 07:53 | |
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Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION
De la pensée de saint Thomas sur L'Immaculée Conception
On peut, semble-t-il, comme l'ont indiqué quelques commentateurs, distinguer à ce sujet trois périodes dans la pensée de saint Thomas.
Dans la première, au début de sa carrière théologique, en 1253-1254, il affirme le privilège, probablement à raison de la tradition manifestée par la fête de la Conception célébrée en plusieurs Eglises, et par l'élan de sa pieuse admiration pour la sainteté parfaite de la Mère de Dieu. C'est alors qu'il écrit (I Sent., d. 44, q. 1, a. 3, ad 3) : « Puritas intenditur per recessum a contrario : et ideo potest aliquid creatum inveniri quod nihil purius esse potest in rebus creatis, si nulla contagione peccati inquinatum sit ; et talis fuit puritas beatae Virginis, quae a peccato originali et actuali immunis fuit. » D'après ce texte, la pureté de la bienheureuse Vierge a été telle qu'elle a été exempte du péché originel et de tout péché actuel.
Dans une seconde période, saint Thomas, voyant mieux les difficultés du problème, hésite et ne se prononce pas, car des théologiens de son temps, soutiennent que Marie est immaculée indépendamment des mérites du Christ.
Il refuse d'admettre cette position à cause du dogme de l'universelle rédemption qui, sans exception, vient du Sauveur (Rom., III, 23; V, 12, 19; Gal., III, 22; II Cor., V, 14; I Tim., II, 6). - C'est alors que dans la IIIa, q. 27, a. 2, il pose ainsi la question : Est-ce que la bienheureuse Vierge a été sanctifiée avant l'animation dans la conception de son corps ? car, selon lui comme selon plusieurs autres théologiens, la conception (initiale) du corps se distingue de l'animation ou création de l'âme, qui serait postérieure d'environ un mois, et qu'on appelle aujourd'hui la conception passive consommée.
Le saint docteur donne au début de cet article quatre arguments en faveur de la conception immaculée, même chronologiquement antérieure à l'animation.
Puis il répond : « La sanctification de la bienheureuse Vierge ne peut se concevoir avant son animation : 1° car cette sanctification doit la purifier du péché originel, lequel ne peut être effacé que par la grâce, qui a pour sujet l'âme ellemême ; 2° Si la bienheureuse Vierge Marie avait été sanctifiée avant l'animation, elle n'aurait jamais encouru la tache du péché originel et n'aurait pas eu besoin d'être rachetée par le Christ... Or c'est là un inconvénient, car le Christ est le Sauveur de tous les hommes (I Tim., II, 6. » - Item ad 2).
Même après la définition dogmatique de 1854, il est vrai de dire que Marie n'a pas été sanctifiée avant l'animation, mais saint Thomas ajoute à la fin du corps de l'article : « Unde relinquitur, quod sanctifcatio B. Virginis fuerit post ejus animationem. » Il reste, selon lui, qu'elle a été sanctifiée après son animation.
Et il ne distingue pas, comme il le fait souvent ailleurs, la postérité de nature, qui peut et doit s'admettre encore aujourd'hui, de la postériorité de temps, qui est contraire au privilège de l'Immaculée Conception. De même, ad 2, saint Thomas dit de la bienheureuse Vierge : « Contraxit originale peccatum[74]. »
Tout son argument a pour but de montrer que Marie, en tant qu'elle descend d'Adam par génération naturelle, devait encourir la tache originelle. Mais il ne distingue pas assez ce debituan incurrendi du fait d'encourir cette tache.
Quant à la question de savoir à quel moment exact la Vierge Marie a été sanctifiée dans le sein de sa mère, il ne se prononce pas. Il déclare, que la sanctification a suivi rapidement l'animation, cito post, dit-il Quodl. VI, a. 7; mais à quel moment, on l'ignore, « quo tempore sanctificata fuerit, ignoratur » (IIIa, q. 27, a. 2, ad 3).
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Dim 31 Mai 2020, 00:20 | |
| CHAPITRE II
Article II - LE PRIVILÈGE DE L'IMMACULÉE CONCEPTION De la pensée de saint Thomas sur L'Immaculée Conception
Saint Thomas n'examine pas dans la Somme la question : Marie a-t-elle été sanctifiée à l'instant même de l'animation. Saint Bonaventure avait ainsi posé le problème et avait répondu négativement. Saint Thomas ne se prononce pas ; il s'inspire probablement en cela de l'attitude réservée de l'Eglise romaine qui ne célébrait pas la fête de la Conception célébrée en d'autres églises (cf. ibid., ad 3) Telle est du moins l'interprétation du P. N. del Prado, O. P., Santo Tomas y la Immaculada, Vergara, 1909. du P. Mandonnet, O. P., Dict. Théol. cath., art. Frères Prêcheurs, col. 899, et du P. Hugon, Tractatus dogmatici, t. II, ed. 5°, 1927, p. 749. Pour ces auteurs, la pensée du saint docteur, même en cette seconde période de sa carrière professorale, était celle exprimée longtemps après par Grégoire XV dans ses lettres du 4 juillet 1622 : « Spiritus Sanctus nondum tanti mysterii arcanum Ecclesiae suae patefecit. »
Les principes invoqués par saint Thomas ne concluent pas du tout contre le privilège, et ils subsistent parfaitement si l'on admet la rédemption, préservatrice.
On objecte cependant un texte difficile qui se trouve in III Sent., dist. III, q. 1, a. 1, ad 2am qm : « Sed nec etiam in ipso instanti infusionis (animae), ut scil. per gratiam tunc sibi infusam conservaretur ne culpam originalem incurreret. Christus enim hoc singulariter in humano genere habet, ut redemptione non egeat. » Le P. del Prado et le P. Hugon, loc. cit., répondent : « Le sens peut être la Sainte Vierge n'a pas été préservée de telle façon qu'elle ne devait pas encourir la tache originelle, car elle n'aurait pas eu besoin de rédemption. » On souhaiterait évidemment la distinction explicite entre le debitum incurrendi et le fait d'encourir la tache originelle.
Dans la dernière période de sa carrière, en 1272 ou 1273, saint Thomas, lorsqu'il écrit 'lExpositio super salalatione angelica, qui est certainement authentique, dit : « Ipsa enim (beata Virgo) purissima fuit et quantum ad culpam, quia nec originale, nec mortale, nec veniale peccatum incurrit. »
Cf. J. F. Rossi, C. M., S. Thomae Aquinatis Expositio salutationis angelicae, Introductio et textus. Divus Thomas (Pl.), 1931, pp. 445-479. Tiré à part, Piacenza, Collegio Alberoni, 1931 (Monografie del Collegio Alberoni, II), in-8. Dans cette édition critique du Commentaire de l'Ave Maria, il est montré, pp. 11-15, que le passage cité relatif à l'Immaculée Conception se trouve dans seize manuscrits sur dix-neuf consultés par l'éditeur, qui conclut à son authenticité, et qui donne en appendice des photographies des principaux manuscrits.
Il serait souhaitable qu'on donnât sur chacun des principaux opuscules de saint Thomas une étude aussi consciencieuse.Ce texte, malgré les objections faites par le P. P. Synave, paraît bien être authentique. S'il en est ainsi, saint Thomas, à la fin de sa vie, après mûre réflexion, serait revenu à l'affirmation du privilège qu'il avait d'abord donnée dans le I Sent., dist. 44, q. 1, a. 3, ad 3, selon l'inclination sans doute de sa piété envers la Mère de Dieu. On peut noter aussi d'autres indices de ce retour à sa première manière de voir. Cette évolution, du reste, n'est pas rare chez les grands théologiens, qui, portés par la Tradition, affirment parfois d'abord un point de doctrine sans en voir encore toutes les difficultés ; il leur arrive d'être ensuite plus réservés, et finalement la réflexion les ramène à leur point de départ lorsqu'ils se disent que les dons de Dieu sont plus riches qu'il ne nous paraît, et qu'il ne faut pas les limiter sans de justes raisons. Or, nous l'avons vu, les principes invoqués par saint Thomas ne concluent pas contre le privilège, et même ils y conduisent lorsqu'on parvient à l'idée explicite de rédemption préservatrice.
Récemment, le P. J.-M. Vosté, O. P., Commentarius in IIIam P. Summae theol. S. Thomae (in q. 27, a. 2), 2° ed., Romae, 1940, accepte l'interprétation de J.-F. Rossi et tient lui aussi que saint Thomas, à la fin de sa vie, est revenu après réflexion à l'affirmation du privilège qu'il avait exprimée au début de sa carrière théologique.. Il est du moins sérieusement probable qu'il en est ainsi.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Lun 01 Juin 2020, 09:10 | |
| Article III - MARIE A ÉTÉ EXEMPTE DE TOUTE FAUTE, MÊME VÉNIELLE ?
Le Concile de Trente, sess. VI, can. 23 (Denz., 833), a défini que « l'homme, une fois justifié, ne peut continuellement éviter, dans tout le cours de sa vie, tous les péchés véniels, sans un privilège spécial, comme celui que l'Eglise reconnaît avoir été concédé à la Sainte Vierge ». Le juste peut éviter chacun des péchés véniels pris à part, mais il ne peut les éviter tous pris dans leur ensemble en s'en préservant continuellement. Au contraire, Marie a évité de fait toute faute même légère. Saint Augustin affirme que « pour l'honneur de son Fils, qui devait remettre les péchés du monde, il ne saurait être question d'elle, quand il s'agit du péché ». Les Pères et les théologiens écartent même, par leur façon de parler de Marie, toute imperfection volontaire, car, selon eux, elle n'a jamais été moins prompte à répondre à une inspiration divine donnée par manière de conseil. Une moindre générosité n'est pas un mal, comme le péché véniel, c'est seulement un moindre bien, une imperfection ; or cela même n'a pas existé en Marie. Il n'y a pas eu chez elle d'acte imparfait (remissus) de charité, inférieur en intensité au degré où cette vertu existait en elle.
Saint Thomas donne la raison de ce privilège spécial lorsqu'il dit : « Ceux que Dieu lui-même choisit dans un but déterminé, il les prépare et les dispose de telle sorte qu'ils soient capables d'accomplir ce pour quoi ils ont été choisis » En cela Dieu diffère des hommes, qui choisissent souvent des incapables ou des médiocres pour des fonctions parfois fort élevées. « Ainsi, continue saint Thomas, saint Paul dit des apôtres (II Cor., III, 6) : « C'est Dieu qui nous a rendus capables d'être ministres d'une nouvelle alliance, non de la lettre, mais de l'esprit. » Or la bienheureuse Vierge fut choisie divinement pour être la Mère de Dieu (c'est-à-dire qu'elle fut de toute éternité prédestinée d'abord à la maternité divine). Et donc on ne saurait douter que Dieu, par sa grâce, l'a rendue apte à cette mission, selon ces paroles qui lui furent adressées par l'ange (Luc, I, 30) : « Vous avez trouvé grâce devant Dieu.
Voici que vous concevrez en votre sein, et vous enfanterez un fils, et vous lui donnerez le nom de Jésus. » Mais Marie n'aurait pas été la digne Mère de Dieu si elle avait quelquefois péché, car l'honneur et aussi le déshonneur des parents rejaillit sur leurs enfants, selon ces paroles des Proverbes. XVII. 6 : « Les pères sont la gloire de leurs fils. » De plus, Marie avait une affinité toute spéciale avec le Christ, qui par elle s'est incarné, et « quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial ? » (II Cor., VI, 15). Enfin le Fils de Dieu, qui est la divine Sagesse, a habité en Marie d'une façon très spéciale, non seulement dans son âme, mais dans son sein ; et il est dit (Sagesse, I, 4) : « La Sagesse n'entre pas dans une âme qui médite le mal, et n'habite pas dans un corps esclave du péché. » Et donc il faut dire purement et simplement que la bienheureuse Vierge n'a commis aucun péché actuel, ni mortel, ni véniel, de telle sorte que s'est pleinement vérifiée en elle la parole du Cantique des cantiques, IV, 7 : « Tu es toute belle, mon amie, et il n'y a pas de tache en toi. » Ainsi s'exprime saint Thomas.
Il y a eu ainsi en Marie impeccance (comme on dit inerrance) ou absence de péché, et même impeccabilité, non pas au même titre que dans le Christ, mais en ce sens que par un privilège spécial elle a été préservée de tout péché, même vénie.
Ce privilège suppose d'abord un très haut degré de grâce habituelle et de charité, qui incline très fortement l'âme à l'acte d'amour de Dieu en l'éloignant du péché. Il suppose en outre la confirmation en grâce qui d'habitude, chez les saints, se fait par une grande augmentation de charité, celle surtout de l'union transformante, augmentation accompagnée de grâces actuelles efficaces qui préservent de fait du péché et portent à des actes libres et méritoires toujours plus élevés. Il y a eu ainsi en Marie une assistance spéciale de la Providence, qui, mieux encore que dans l'état d'innocence, préservait toutes ses facultés de déviation et qui, même dans les circonstances les plus douloureuses, gardaient son âme dans la plus parfaite générosité. Cette assistance préservatrice était un effet de la prédestination de Marie, comme la confirmation en grâce est un effet de la prédestination des saints.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Lun 01 Juin 2020, 21:23 | |
| Article III - MARIE A ÉTÉ EXEMPTE DE TOUTE FAUTE, MÊME VÉNIELLE ?
Cette préservation du péché, loin de diminuer la liberté ou le libre arbitre de Marie, faisait qu'elle avait la pleine liberté dans l'ordre du bien sans aucune déviation vers le mal, comme son intelligence ne déviait jamais vers l'erreur. Ainsi sa liberté, à l'exemple de celle de la sainte âme de Jésus, était une image très pure de la liberté de Dieu, qui est à la fois souveraine et impeccable.
Si les chefs-d'œuvre de l'art humain, en architecture, en peinture, en musique, si les instruments de précision des laboratoires atteignent la dernière perfection, que penser des chefs-d'œuvres de Dieu ? Et si ses œuvres d'ordre naturels sont si parfaites, comme le montrent les beautés de l'océan, celles des hautes montagnes, ou, dans un autre ordre la structure de l'oeil, celle de l'oreille, mieux encore nos facultés supérieures, sans parler des intelligences angéliques de plus en plus élevées, que dire de ses chefs-d'œuvres d'ordre surnaturel, comme le fut la sainte âme de Marie ornée de tous les dons gratuits, dès le premier moment de son existence.
NOTE - Le problème de l'imperfection distincte du péché véniel
Ce problème a été déplacé par les casuistes, il se pose dans un domaine supérieur, celui où vivent des personnes intérieures déjà avancées, très attentives à éviter tous péché véniel plus ou moins délibéré, et il a été transporté indûment dans un domaine notablement inférieur, on a alors eu le tort d'appeler imperfection ce qui, en réalité, est un péché véniel.
D'autres fois on a trop rapproché ce problème de celui-ci : la vocation religieuse oblige-t-elle, peut-on s'y soustraire sans péché, par simple imperfection ?
On répond communément à bon droit, la vocation religieuse de soi n'oblige pas, mais de fait connue elle porte sur toute la vie, et comme les autres voies sont moins sûres, on ne s'y soustrait pas sans péché, car on ne s'y soustrait de fait, comme le jeune homme riche droit Parle l'Evangile, que par un attachement immodéré aux choses terrestres (attachement immodéré défendu déjà par un précepte) et non pas seulement par une moindre générosité.
Le problème de l'imperfection distincte du péché véniel doit se poser dans le domaine élevé où vivent des âmes très généreuses qui sont très décidées à éviter tout péché véniel plus ou moins délibéré, et plus encore il se pose à propos de l'impeccabilité du Christ et du privilège spécial par lequel Marie a été préservée de tout péché si léger soit-il.
On pose alors la question : dans la vie du Christ et de la Sainte Vierge y a-t-il eu quelque imperfection volontaire. On saisit déjà qu'il s'agit d'une question très délicate.
A ce dernier problème on répond communément : dans la vie du Christ et de sa sainte Mère, il n'y a jamais eu d'imperfection plus ou moins volontaire, car ils n'ont jamais été moins prompts à suivre une inspiration divine donnée par manière de conseil.
Mais s'il y avait eu de temps en temps en eux cette moindre promptitude, ce n'eut pas été pourtant un désordre proprement dit comme l'attachement immodéré aux biens terrestres, mais ç'eut été seulement une moindre générosité.
Pour les âmes intérieures, tant qu'elles n'ont pas fait le vœu du plus parfait, on peut et on doit dire qu'elles ne sont pas obligées sous peine de péché véniel au maximum de générosité qui est moralement possible pour elles à chaque instant.
Il convient pourtant que, sans s'y astreindre par le voeu de plus parfait sous peine de péché véniel, les meilleures promettent à la Sainte Vierge de faire toujours ce qui leur apparaîtra évidemment plus parfait pour elles.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Mar 02 Juin 2020, 21:35 | |
| Article IV - LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE
La grâce habituelle, que reçut la bienheureuse Vierge à l'instant même de la création de sa sainte âme, fut une plénitude, en laquelle se vérifiait déjà ce que l'ange devait dire le jour de l'Annonciation : « Je vous salue, pleine de grâce. » C'est ce qu'affirme avec la Tradition Pie IX en définissant le dogme de l'Immaculée Conception. Il dit même que Marie, dès le premier instant, « a été aimée par Dieu plus que toutes les créatures « prae creaturis universis », qu'il s'est pleinement complu en elle, et qu'il l'a comblée admirablement de toutes ses grâces, beaucoup plus que tous les esprits angéliques et que tous les saints ».
On pourrait citer ici sur ce point de nombreux témoignages de la Tradition. Saint Thomas explique la raison de cette plénitude initiale de grâce lorsqu'il dit : « Plus on approche d'un principe (de vérité et de vie), plus on participe à ses effets.
C'est pourquoi Denys affirme (De caelestia hierarchia, c. 4) que les anges, qui sont plus près de Dieu que les hommes, participent davantage à ses bontés. Or le Christ est le principe de la vie de la grâce ; comme Dieu, il en est la cause principale, et comme homme (après nous l'avoir méritée), il nous la transmet, car son humanité est comme un instrument toujours uni à la divinité : « La grâce et la vérité nous sont venues par lui » (Jean, I, 17). La bienheureuse Vierge Marie, étant plus près du Christ que personne, puisqu'il a pris en elle son humanité, a donc reçu de lui une plénitude de grâce qui dépasse celle des autres créatures. »
Saint Jean-Baptiste et Jérémie furent aussi, selon le témoignage de l'Ecriture, sanctifiés dans le sein de leur mère, mais sans être préservés du péché originel ; Marie, dès le premier instant, reçut la grâce sanctifiante à un degré très supérieur à eux, avec le privilège spécial d'être préservée à l'avenir de toute faute même vénielle, ce qui n'est affirmé d'aucun saint.
Dans son Explication de l'Ave Maria, saint Thomas décrit la plénitude de grâce en Marie (ce qui se vérifie déjà dans la plénitude initiale) de la façon suivante : Tandis que les anges ne manifestent pas leur respect aux hommes, parce qu'ils leur sont supérieurs comme esprits purs et comme vivant surnaturellement dans la sainte familiarité de Dieu, l'archange Gabriel, en saluant Marie, se montra plein de respect et de vénération pour elle, car il comprit qu'elle le dépassait par la plénitude de grâce, par l'intimité divine avec le Très-Haut et par une parfaite pureté.
Elle avait reçu en effet la plénitude de grâce à un triple point de vue : pour éviter tout péché, si léger soit-il, et pratiquer éminemment toutes les vertus; pour que cette plénitude débordât de son âme sur son corps et qu'elle conçût le Fils de Dieu fait homme; pour que cette plénitude débordât aussi sur tous les hommes et pour qu'elle nous aidât dans la pratique de toutes les vertus.
De plus, elle dépassait les anges par sa sainte familiarité avec le Très-Haut, c'est pourquoi l'archange Gabriel en la saluant lui dit : « Le Seigneur est avec vous », comme s'il lui disait vous êtes plus intime que moi avec Dieu, car il va devenir votre Fils, tandis que je ne suis que son serviteur. De fait, comme Mère de Dieu,, Marie a une intimité plus étroite que les anges avec le Père, le Fils et l'Esprit-Saint.
Enfin elle dépassait les anges par sa pureté, bien qu'ils soient purs esprits, car elle n'était pas seulement très pure en elle-même, mais elle donnait déjà la pureté aux autres. Non seulement elle était exempte du péché originel et de toute faute soit mortelle, soit vénielle, mais aussi de la malédiction due au péché : « Tu enfanteras dans la douleur... et tu retourneras en poussière » (Gén. III, 16, 19). Elle concevra le Fils de Dieu sans perdre la virginité, elle le portera dans un saint recueillement, elle l'enfantera dans la joie, elle sera préservée de la corruption du tombeau et associée par l'Assomption à l'Ascension du Sauveur.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Mer 03 Juin 2020, 21:25 | |
| Article IV - LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE
Elle est déjà bénie entre toutes les femmes, parce qu'elle seule, avec son Fils et par lui, enlèvera la malédiction qui pesait sur la race humaine, et elle nous portera la bénédiction en nous ouvrant les portes du ciel. C'est pourquoi elle est appelée l'Etoile de la mer qui dirige les chrétiens vers le port de l'éternité.
L'ange lui dira : « Le fruit de vos entrailles est béni. » Tandis que, en effet, le pécheur cherche dans ce qu'il désire ce qu'il ne peut pas y trouver, le juste trouve tout en ce qu'il désire saintement. A ce point de vue, le fruit des entrailles de Marie sera trois fois béni. Eve a désiré le fruit défendu, pour avoir « la science du bien et du mal » et savoir se conduire seule, sans avoir besoin d'obéir ; elle a été séduite par le mensonge : « Vous serez comme des dieux » ; et loin de devenir semblable à Dieu, elle s'est éloignée et détournée de lui. Au contraire, Marie trouvera tout dans le fruit béni de ses entrailles ; en lui elle trouvera Dieu même et nous le fera trouver.
Eve, en cédant à la tentation, a désiré la délectation et a trouvé la douleur. Au contraire, Marie trouve et nous fait trouver la joie et le salut en son divin Fils.
Enfin le fruit désiré par Eve n'avait qu'une beauté sensible, tandis que le fruit des entrailles de Marie est la splendeur de la gloire spirituelle et éternelle du Père. La Vierge elle-même est bénie, mais plus encore son Fils qui apporte à tous les hommes la bénédiction et le salut.
Ainsi parle saint Thomas de la plénitude de grâce en Marie en son Commentaire de l'Ave Maria ; il vise surtout la plénitude réalisée le jour de l'Annonciation, mais cela s'applique déjà dans une mesure à la plénitude initiale, comme ce qui est dit du fleuve s'applique à la source dont il procède.
Comparaison de la grâce initiale de Marie à celle des saints
On s'est demandé si la grâce initiale de Marie fut plus grande que la grâce finale de chacun des anges et des hommes, et même que la grâce finale de tous les anges et de tous les saints pris ensemble. Et l'on a généralement entendu cette question, non pas précisément de la grâce consommée du ciel, mais de celle qui est dite finale en tant qu'elle précède immédiatement l'entrée au ciel.
A la première partie de cette question, les théologiens répondent communément d'une façon affirmative, c'est en particulier l'avis de saint Jean Damascène, de Suarez, de Justin de Miéchow, O. P., de Ch. Véga, de Contenson, de saint Alphonse, des P. Terrien[99], Godts, Hugon, Merkelbach, etc.. Aujourd'hui, tous les ouvrages de mariologie sont unanimes sur ce point, considéré comme certain, et c'est même exprimé par Pie IX dans la bulle Ineffabilis Deus, au passage que nous venons de citer un peu plus haut.
La raison principale est prise de la Maternité divine, motif de tous les privilèges de Marie, et cette raison se présente sous deux aspects, suivant qu'on considère la fin à laquelle la première grâce fut ordonnée en elle, ou l'amour divin qui en a été la cause.
La première grâce a été en effet accordée à Marie comme une digne préparation à la maternité divine, ou pour la préparer à être la digne Mère du Sauveur, dit saint Thomas (q. 27, a. 5, ad 2). Or la grâce même consommée des autres saints n'est pas encore une digne préparation à la maternité divine, qui appartient à l'ordre hypostatique ou d'union au Verbe. La première grâce en Marie dépasse donc déjà la grâce consommée des autres saints.
Aussi de pieux auteurs expriment cette vérité en accommodant ces paroles du Psaume LXXXVI : « Fundamenta ejus in montibus sanctis », ils l'entendent ainsi ce qui est le sommet de la perfection des autres saints n'est pas encore le commencement de la sainteté de Marie.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Jeu 04 Juin 2020, 20:59 | |
| Article IV - LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE
Comparaison de la grâce initiale de Marie à celle des saints
Cette même raison apparaît sous un autre aspect en considérant l'amour incréé de Dieu pour la Sainte Vierge. Comme la grâce est l'effet de l'amour actif de Dieu qui nous rend ainsi aimables à ses yeux, tels des enfants adoptifs, une personne reçoit la grâce d'autant plus abondamment qu'elle est plus aimée par Dieu. Or Marie, dès le premier instant, en sa qualité de future Mère de Dieu, est plus aimée de lui que n'importe quel saint même parvenu au terme de sa vie, et plus qu'aucun ange. Elle a donc reçu dès le premier instant une grâce supérieure.
Cela ne fait aucun doute et n'est plus discuté aujourd'hui.
La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?
Quelques théologiens l'ont nié, parmi les anciens et parmi les modernes[100]. Cependant, il est au moins très probable sinon certain, selon la majorité des théologiens, qu'il faut répondre affirmativement avec Ch. Véga, Contenson, saint Alphonse, Godts, Monsabré, Tanquerey, Billot, Sinibaldi, Hugon, L. Janssens, Merkelbach, etc. Il y a d'abord un argument d'autorité.
Pie IX, dans la bulle Ineffabilis Deus, favorise très manifestement cette doctrine lorsqu'il dit dans le passage déjà cité[101] : « Deus ab initio... unigenito Filio suo Matrem... elegit atque ordinavit, tantoque prae creaturis universis est prosecutus aurore, ut in illa una sibi propensissima voluntate complacuerit. Quapropter illam longe ante omnes angelicos Spiritus, cunctosque Sanctos caelestium omnium charismatum copia de thesauro Divinitatis deprompta ita mirifice cumulavit, ut... eam innocentiae et sanctitatis plenitudinem prae se ferret, et quae major sub Deo nullatenus intelligitur, et quam praeter Deum nemo assequi cogitando potest. »
Selon le sens obvie, toutes ces expressions, spécialement celle-ci « cunctos sanctos », signifient que la grâce en Marie, dès le premier instant dont il est parlé à cet endroit, dépassait celle de tous les saints ensemble; si Pie IX avait voulu dire que la grâce en Marie dépassait celle de chacun des saints, il aurait écrit « longe ante quemlibet angelum et sanctum » et non pas « longe ante omnes angelicos spiritus cunctosque sanctos ».
Il n'aurait pas dit non plus que Dieu a aimé Marie plus que toutes les créatures, « prae creaturis universis », et qu'il s'est plus complu en elle seule, « ut in illa una sibi propensissima voluntate complacuerit ».
On ne peut pas dire qu'il ne s'agit pas du premier instant, car Pie IX, sitôt après le passage cité, dit : « Decebat omnino ut beatissima Virgo Maria perfectissimae sanctitatis splendoribus semper ornata fulgeret. »
Un peu plus loin, dans la même bulle, il est dit que, selon les Pères, Marie est supérieure par la grâce aux Chérubins, aux Séraphins et à toute l'armée des anges, « omni exercitu angelorum », c'est-à-dire à tous les anges réunis. C'est concédé par tous s'il s'agit de Marie au ciel, mais il faut se rappeler que le degré de gloire céleste est proportionné au degré de charité du moment de la mort, et que celui-ci en Marie était proportionné lui-même à la dignité de Mère de Dieu, à laquelle la Sainte Vierge fut préparée dès le premier instant.
A cet argument d'autorité tiré de la bulle Ineffabilis Deus, il faut ajouter deux raisons théologiques qui précisent celles que nous avons exposées un peu plus haut, et qui sont prises de la maternité divine, suivant qu'on considère la fin à laquelle la première grâce fut ordonnée, ou l'amour incréé qui en a été la cause.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Ven 05 Juin 2020, 22:09 | |
| Article IV - LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE
La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?
Pour bien entendre ces deux raisons théologiques, il faut d'abord remarquer que, bien que la grâce soit de l'ordre de la qualité et non pas de celui de la quantité, du fait que la plénitude initiale en Marie dépasse la grâce consommée du plus grand des saints, il n'est pas immédiatement évident pour tous qu'elle dépasse celle de tous les saints réunis. La vue de l'aigle comme qualité ou puissance dépasse celle de l'homme qui a les meilleurs yeux, mais elle ne lui permet cependant pas de voir ce que voient l'ensemble des hommes répandus à la surface de la terre. Il est vrai qu'il se mêle ici une question de quantité ou d'étendue et de distance, ce qui n'arrive pas lorsqu'il s'agit d'une pure qualité immatérielle comme la grâce. Il convient pourtant d'ajouter ici une précision nouvelle sous les deux aspects déjà indiqués.
1° La première grâce en Marie, puisqu'elle la préparait à être la digne Mère de Dieu, devait étre déjà proportionnée au moins de façon éloignée à la maternité divine. Or la grâce finale de tous les saints, même pris ensemble, n'est pas encore proportionnée à la dignité de Mère de Dieu, qui est d'ordre hypostatique, comme nous l'avons vu. Et donc la grâce finale de tous les saints même pris ensemble est inférieure à la première grâce reçue par Marie.
Cet argument parait être en lui-mème certain, quoique certains théologiens n'aient pas saisi toute sa portée. On a objecté : la première grâce en Marie n'est pas encore une préparation prochaine à la maternité divine; aussi la preuve n'est-elle pas concluante.
Beaucoup de théologiens ont répondu : quoique la première grâce en Marie ne soit pas une préparation prochaine à la maternité divine, elle en est cependant une préparation digne et proportionnée, selon l'expression de saint Thomas, IIIa, q. 27, a. 5, ad 2 : « Prima quidem (perfectio gratiae) quasi dispositiva, per quam beatissima Virgo reddebatur idonea ad hoc quod esset Mater Christi. » Or la grâce consommée de tous les saints ensemble n'est pas encore proportionnée à la maternité divine qui est de l'ordre hypostatique. La preuve conserve donc sa valeur.
2° La personne qui est plus aimée par Dieu que toutes les créatures ensemble reçoit une plus grande grâce que toutes ces créatures réunies, car la grâce est l'effet de l'amour incréé et lui est proportionnée. Comme le dit saint Thomas, Ia, q. 20, a. 4 : « Dieu aime plus celui-ci que celui-là, en tant qu'il lui veut un bien supérieur, car la volonté divine est cause du bien qui est dans les créatures. » Or, de toute éternité, Dieu a aimé Marie plus que toutes les créatures ensemble, comme celle qu'il devait préparer dès le premier instant de sa conception à être la digne Mère du Sauveur. Selon l'expression de Bossuet : « Il a toujours aimé Marie comme Mère, il l'a considérée comme telle dès le premier moment qu'elle fut conçue. »
Cela n'exclut pas d'ailleurs en Marie le progrès de la sainteté ou l'augmentation de la grâce, car celle-ci, étant une participation de la nature divine, peut toujours augmenter et reste toujours finie ; même la plénitude finale de grâce en Marie est limitée, quoiqu'elle déborde sur toutes les âmes.
A ces deux raisons théologiques relatives à la maternité divine s'ajoute une confirmation importante qui apparaîtra de plus en plus en parlant de la médiation universelle de Marie. Elle pouvait en effet dès ici-bas et dès qu'elle a pu mériter et prier, plus obtenir par ses mérites et ses prières que tous les saints ensemble, car ils n'obtiennent rien sans la médiation universelle de la Sainte Vierge qui est comme l'aqueduc des grâces ou, dans le Corps mystique, comme le cou par lequel les membres sont unis à la tête. Bref, Marie, dès qu'elle put mériter et prier, pouvait sans les saints obtenir plus que tous les saints ensemble sans elle. Or le degré du mérite correspond au degré de la charité et de la grâce sanctifiante. Marie a donc reçu dès le début de sa vie un degré de grâce supérieur à celui que possédaient immédiatement avant leur entrée au ciel tous les saints et tous les anges réunis.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Dim 07 Juin 2020, 07:26 | |
| Article IV - LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE
La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?
C'est concédé par tous s'il s'agit de Marie au ciel, mais il faut se rappeler que le degré de gloire céleste est proportionné au degré de charité du moment de la mort, et que celui-ci en Marie était proportionné lui-même à la dignité de Mère de Dieu, à laquelle la Sainte Vierge fut préparée dès le premier instant.
A cet argument d'autorité tiré de la bulle Ineffabilis Deus, il faut ajouter deux raisons théologiques qui précisent celles que nous avons exposées un peu plus haut, et qui sont prises de la maternité divine, suivant qu'on considère la fin à laquelle la première grâce fut ordonnée, ou l'amour incréé qui en a été la cause.
Pour bien entendre ces deux raisons théologiques, il faut d'abord remarquer que, bien que la grâce soit de l'ordre de la qualité et non pas de celui de la quantité, du fait que la plénitude initiale en Marie dépasse la grâce consommée du plus grand des saints, il n'est pas immédiatement évident pour tous qu'elle dépasse celle de tous les saints réunis.
La vue de l'aigle comme qualité ou puissance dépasse celle de l'homme qui a les meilleurs yeux, mais elle ne lui permet cependant pas de voir ce que voient l'ensemble des hommes répandus à la surface de la terre. Il est vrai qu'il se mêle ici une question de quantité ou d'étendue et de distance, ce qui n'arrive pas lorsqu'il s'agit d'une pure qualité immatérielle comme la grâce. Il convient pourtant d'ajouter ici une précision nouvelle sous les deux aspects déjà indiqués.
1° La première grâce en Marie, puisqu'elle la préparait à être la digne Mère de Dieu, devait étre déjà proportionnée au moins de façon éloignée à la maternité divine. Or la grâce finale de tous les saints, même pris ensemble, n'est pas encore proportionnée à la dignité de Mère de Dieu, qui est d'ordre hypostatique, comme nous l'avons vu. Et donc la grâce finale de tous les saints même pris ensemble est inférieure à la première grâce reçue par Marie.
Cet argument parait être en lui-mème certain, quoique certains théologiens n'aient pas saisi toute sa portée.
On a objecté : la première grâce en Marie n'est pas encore une préparation prochaine à la maternité divine; aussi la preuve n'est-elle pas concluante.
Beaucoup de théologiens ont répondu : quoique la première grâce en Marie ne soit pas une préparation prochaine à la maternité divine, elle en est cependant une préparation digne et proportionnée, selon l'expression de saint Thomas, IIIa, q. 27, a. 5, ad 2 : « Prima quidem (perfectio gratiae) quasi dispositiva, per quam beatissima Virgo reddebatur idonea ad hoc quod esset Mater Christi. » Or la grâce consommée de tous les saints ensemble n'est pas encore proportionnée à la maternité divine qui est de l'ordre hypostatique. La preuve conserve donc sa valeur.
2° La personne qui est plus aimée par Dieu que toutes les créatures ensemble reçoit une plus grande grâce que toutes ces créatures réunies, car la grâce est l'effet de l'amour incréé et lui est proportionnée. Comme le dit saint Thomas, Ia, q. 20, a. 4 : « Dieu aime plus celui-ci que celui-là, en tant qu'il lui veut un bien supérieur, car la volonté divine est cause du bien qui est dans les créatures. »
Or, de toute éternité, Dieu a aimé Marie plus que toutes les créatures ensemble, comme celle qu'il devait préparer dès le premier instant de sa conception à être la digne Mère du Sauveur. Selon l'expression de Bossuet : « Il a toujours aimé Marie comme Mère, il l'a considérée comme telle dès le premier moment qu'elle fut conçue. »
Cela n'exclut pas d'ailleurs en Marie le progrès de la sainteté ou l'augmentation de la grâce, car celle-ci, étant une participation de la nature divine, peut toujours augmenter et reste toujours finie ; même la plénitude finale de grâce en Marie est limitée, quoiqu'elle déborde sur toutes les âmes.
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| Sujet: Re: La Mère du Sauveur et notre vie intérieure par Fr. Garrigou Dim 07 Juin 2020, 21:45 | |
| Article IV - LA PERFECTION DE LA PREMIÈRE GRACE EN MARIE
La première grâce en Marie fut-elle supérieure à la grâce finale de tous les saints et anges pris ensemble ?
A ces deux raisons théologiques relatives à la maternité divine s'ajoute une confirmation importante qui apparaîtra de plus en plus en parlant de la médiation universelle de Marie. Elle pouvait en effet dès ici-bas et dès qu'elle a pu mériter et prier, plus obtenir par ses mérites et ses prières que tous les saints ensemble, car ils n'obtiennent rien sans la médiation universelle de la Sainte Vierge qui est comme l'aqueduc des grâces ou, dans le Corps mystique, comme le cou par lequel les membres sont unis à la tête.
Bref, Marie, dès qu'elle put mériter et prier, pouvait sans les saints obtenir plus que tous les saints ensemble sans elle. Or le degré du mérite correspond au degré de la charité et de la grâce sanctifiante. Marie a donc reçu dès le début de sa vie un degré de grâce supérieur à celui que possédaient immédiatement avant leur entrée au ciel tous les saints et tous les anges réunis.
Il y a d'autres confirmations indirectes ou des analogies plus ou moins éloignées : une pierre précieuse comme le diamant vaut plus que quantité d'autres pierres réunies. De même dans l'ordre spirituel, un saint comme le Curé d'Ars pouvait plus par sa prière et ses mérites que tous ses paroissiens pris ensemble. Un fondateur d'ordre comme un saint Benoît vaut plus à lui seul par la grâce divine qu'il a reçue et que tous ses premiers compagnons, car tous réunis ils n'auraient pu faire cette fondation sans lui, tandis que lui aurait pu trouver d'autres frères comme ceux venus à lui dans la suite.
On a donné aussi d'autres analogies, l'intelligence d'un archange dépasse celle de tous les anges inférieurs à lui pris ensemble. La valeur intellectuelle d'un saint Thomas dépasse celle de tous ses commentateurs réunis. La puissance d'un roi est supérieure non seulement à celle de son premier ministre, mais à celle de tous ses ministres ensemble.
Si les anciens théologiens n'ont pas explicitement traité cette question, c'est très probablement parce que la solution leur paraissait évidente. Ils disaient par exemple, à la fin du traité de la grâce ou de celui de la charité, pour en montrer la dignité tandis qu'une pièce de dix francs ne vaut pas plus que dix d'un franc, une grâce ou une charité de dix talents vaut beaucoup plus que dix charités d'un seul talent, c'est pourquoi le démon cherche à maintenir dans la médiocrité des âmes qui, par la vocation sacerdotale ou religieuse, sont appelées très haut, il veut empêcher ce plein développement de la charité, qui ferait beaucoup plus de bien qu'une charité inféieure simplement multipliée à son degré très commun où elle s'accompagne de tiédeur.
Il faut faire ici attention à l'ordre de la pure qualité immatérielle qui est celui de la grâce sanctifiante. Si la vue de l'aigle ne dépasse pas celle de tous les hommes réunis, c'est qu'il se mêle ici une question de quantité ou de distance locale, du fait que les hommes répandus en différentes régions à la surface de la terre peuvent voir ce que l'aigle placé sur un sommet des Alpes ne peut atteindre. Il en est autrement dans l'ordre de la pure qualité.
Si cela est vrai, il n'est pas douteux que Marie, par la première grâce qui la disposait déjà à la maternité divine, valait plus aux yeux de Dieu que tous les apôtres, les martyrs, les confesseurs et les vierges réunis, qui se sont succédé et se succéderont dans l'Eglise, plus que toutes âmes et que tous les anges créés depuis l'origine du monde.
Si l'art humain fait des merveilles de précision et de beauté, que ne peut faire l'art divin dans la créature de prédilection, dont il est dit : « Elegit eam Deus et praeelegit eam », et qui a été élevée, dit la liturgie, au-dessus de tous les choeurs des anges.
La première grâce reçue par elle était déjà une digne préparation à sa maternité divine et à sa gloire exceptionelle qui vient immédiatement au-dessous de celle de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Elle a souffert, du reste, comme lui, à proportion, car elle devait être victime avec lui, pour être victorieuse aussi avec lui et par lui.
Source : Livres-mystiques.com
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