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L’esprit de prophétie n’est pas un esprit de prédiction.
La logique de l'Alliance nous invite à beaucoup de prudence par rapport à ce qui ressemblerait trop à la croyance en un destin païen, en un déterminisme qui réduirait à rien la liberté et la responsabilité typique de l'Alliance biblique. (Au contraire, dans la tradition musulmane, les hadith durcissent de façon terrible la notion de déterminisme.) Quelques remarques s'imposent sur les « prédictions » dans la Bible.
Parfois, cette prédiction est liée à une connaissance humaine.
Amos voit venir le danger venant de l'empire assyrien et Jérémie voit le danger venir de Nabuchodonosor.
Le Deutéronome offre deux critères de discernement dont aucun n'est pleinement satisfaisant. L'un est l'accomplissement de la prophétie (Dt 18, 22) mais cela ne vaut pas pour le moment où l'oracle est prononcé, et d'ailleurs, - à part l'exception partielle de Jérémie 28, 9, nul prophète jugé authentique ne s'est employé à un tel contrôle.
Jonas annonce à Ninive que la ville sera détruite. Mais la ville se convertit et ne sera pas détruite (lire tout le livre de Jonas). Et pourtant Jonas est un prophète authentique, pris en modèle par Jésus (Mt 12, 41).
Le prophète Daniel connaît la prophétie de Jérémie sur les 70 ans de servitude (Jr 25, 11-13) et comment Esdras a vu son accomplissement (Esdras 1, 1-3). En s'intéressant de nouveau à la prophétie de Jérémie (Dn 9, 2), Daniel, avec « l'ange Gabriel », relit l'histoire depuis le début de l'exil, et cette mémoire lui permet de voir se dessiner une trajectoire qui franchit les difficultés du présent, au temps de la persécution d'Antiochus Epiphane et aussi de regarder plus haut, vers l'eschatologie.
Tout cela signifie que Dieu ne prépare pas son peuple à accueillir le messie uniquement à partir d'oracles mystérieux, parfois transformés au cours des siècles, mais il le prépare par l'histoire vécue du peuple.
Le Psaume 22 semble voir à l'avance la passion du Christ : ils ont transpercé mes mains. Ils se sont partagé mon vêtement. Cet homme persécuté pense à sa mère ; cet homme pense au peuple qui naîtra. Cependant, c'était si peu une prédiction que les disciples ne comprendront pas les annonces que Jésus fera de sa passion.
Jésus annonçait sa passion, dans la lumière de Dieu, et dans la connaissance de l'attitude de ses ennemis durant les controverses, quand Jésus avait tout donné si ce n'est sa mort. C'est tout à fait différent d'un déterminisme.
Marie et Joseph, angoissés, recherchent Jésus pendant trois jours, en la fête de la Pâque. Ils ne comprennent pas l'explication de Jésus. L'événement, réel, semble aller au-delà de sa signification immédiate, Marie médite en son cœur, ouverte à une explication future.
Dans le livre des Actes, Agabus annonce une grande famine (Ac 11, 27-28), ce qui permet de préparer l'aide pour les frères de Judée, la famine est celle qui advint sous Claude. Agabus annonce le sort qui attend Paul (Ac 21, 10-13), prédiction accomplie en Ac 21, 27s. Mais observons bien que ces prédictions ne diminue aucunement la liberté humaine, au contraire, elles exaltent la responsabilité de chacun.
Souvent dans la Bible, les paroles concernant l'avenir découlent de la connaissance de qui est Dieu, et qui est l'homme. Si l'on a compris qu'il n'existe qu'un seul Dieu, alors le règne de Dieu ne peut que s'étendre jusqu'aux extrémités de la terre, alors aussi le mal aura une limite, il n'aura pas le dernier mot.
Lorsque l'apparition de Fatima annonce que les persécutions auront une fin, elle ne fait que reprendre le message du prophète Daniel ou celui de l'Apocalypse où le séjour de la femme au désert n'a qu'une durée limitée, et le temps de l'action des forces du mal ne dure que 42 mois, 1260 jours ou encore deux temps, un temps et la moitié d'un temps, c'est à dire un temps qui n'entame pas le temps de Dieu.
Françoise Breynaert