167ème Sermon de Saint Pierre Chrysologue Docteur de l'Eglise
(faites pénitence) C’est fort opportunément qu’en ce temps de jeûne nous arrive le très bienheureux docteur de la pénitence. Un docteur en paroles et en actions, un vrai maître, car ce qu’il enseigne par la parole il le démontre par l’exemple. C’est la science qui sacre le maître, mais l’autorité du maître provient de la vie; en faisant ce qu’il enseigne, il rend parfait son auditeur. L’enseignement par les faits est la seule norme de la doctrine. Dans les paroles, la doctrine n’est qu’une science; dans les faits, elle est une vertu. La véritable science est donc celle qui est mélangée à la vertu. Elle est divine cette science, non humaine, au témoignage de l’évangéliste : Qu’il a commencé à faire et à enseigner. Quand le professeur fait ce qu’il enseigne, il instruit par la parole et informe par l’exemple.
En ces jours-là, saint Jean-Baptiste vint prêcher dans le désert. de Judée et dit : Faites pénitence, car le royaume de Dieu approche. Faites pénitence ! Pourquoi pas plutôt : réjouissez-vous! Parce que succèdent aux choses humaines les divines, aux choses terrestres les célestes, aux temporelles les éternelles, aux maux les biens, aux choses incertaines les certaines, aux épreuves le bonheur, aux choses périssables celles qui durent. Faites pénitence. Qu’il se repente, oui qu’il se repente celui qui a fait passer les choses humaines avant les divines; qui a voulu être le serviteur du monde, mais qui n’a pas voulu que le Seigneur du monde ait la domination du monde. Qu’il fasse pénitence celui qui a préféré périr avec le démon plutôt que régner avec le Christ. Qu’il fasse pénitence celui qui a fui la liberté des vertus et a préféré la captivité des vices. Qu’il fasse pénitence, et rigoureusement, celui qui, pour ne pas tenir la vie, a tendu la main à la mort.
Le royaume des cieux approche. Le royaume des cieux est la récompense des justes, la condamnation des pécheurs, et la punition des impies. Béni soit donc Jean pour avoir voulu, par la pénitence, prévenir le jugement ! Il n’a pas voulu que les pécheurs soient condamnés, mais que les impies entrent dans la récompense, non dans le châtiment. En conséquence, il proclame à haute voix que le royaume des cieux est proche, à un moment où un enfant encore innocent pouvait croire avoir tout le temps devant lui pour croître et vieillir. Le règne, à la façon des anges, nous le savons proche, parce que le monde épuisé par une vieillesse extrême, perd ses forces, dépose ses membres, perd ses sens. Tourmenté par les douleurs, il ne prend plus soin de lui; il meurt à la vie, vit de maladies, clame qu’il est démoli, et atteste que la fin arrive. Or nous, plus durs que les Juifs, nous suivons le monde qui fuit, nous oublions les temps futurs, nous courons à perdre haleine après les biens présents. Nous ne voyons pas le jugement dans lequel nous sommes déjà plongés; nous n’accourons pas au Seigneur qui vient déjà. Mais nous voulons demeurer dans la mort; nous ne voulons pas de la résurrection des trépassés. Nous voulons être esclaves; nous ne voulons pas régner, pour avoir la joie de remettre ce royaume à Notre Seigneur Où a-t-il été écrit : Quand vous prierez, dites : que votre règne arrive ! Nous avons donc besoin d’une plus grande pénitence, et nous devons nous prescrire un remède capable de guérir notre blessure.
Faisons pénitence, mes frères, oui, faisons pénitence et le plus tôt possible, car le temps suffisant nous est déjà refusé, car cette heure qui nous est encore donnée s’achève. La présence du Juge nous refuse déjà le temps de la satisfaction. Que la pénitence accoure, si elle ne veut pas être devancée par la sentence de condamnation ! Le Seigneur n’est pas encore arrivé, nous L’attendons encore, Il retarde. Mais c’est parce qu’Il désire que nous revenions à Lui, et que nous ne périssions pas, comme Il l’a toujours dit avec une grande piété : Je ne veux pas la mort du pécheur, mais que l’impie se détourne de sa voie et vive. Revenons donc à Dieu en pénitents, mes frères, et ne nous laissons pas troubler par le rétrécissement du temps, parce que l’Auteur du temps ne peut pas être rétréci. Le larron évangélique démontre cela lui qui, sur la croix et à l’heure de la mort, a ravi le pardon, a envahi la vie, est entré dans le paradis par effraction, et a pénétré dans le règne. Et nous, mes frères, qui n’avons pas recherché volontairement un mari, acquérons du moins la vertu quand nous sommes forcés de le faire. De peur que l’on juge que nous sommes nos propres juges, nous nous devons la pénitence à nous-mêmes, pour pouvoir casser notre sentence de condamnation.
Le premier des bonheurs est de jouir de l’assurance d’une innocence perpétuelle, de conserver inviolée la sainteté de l’âme et du corps, de n’avoir été pollué par aucune ordure mondaine. De n’être conscient d’aucune faute, d’ignorer la blessure du péché; de toujours posséder la grâce des vertus et de toujours vivre dans l’espoir des récompenses célestes. Mais si, par malheur, notre esprit a été atteint par le javelot du péché, si le crime a infligé à notre chair une plaie purulente, si la fragilité humaine a été corrompue par la suppuration des vices, vient alors au secours des malades, non de ceux qui sont sains, la médecine de la pénitence. Alors, s’amène le fer de la componction, le feu calcine la douleur d’avoir péché; les calmants sont appliqués aux soupirs et la fièvre d’une âme enflée s’évapore. Alors les ulcères du coupable sont ponctionnées par les larmes; les cilices expulsent les immondices du corps. Qu’il supporte, oui, qu’il supporte le traitement amer de la pénitence celui qui n’a pas voulu conserver sa santé comme il le devait. Ce traitement n’est pas pénible à celui qui chérit la vie. Qu’il ne soit pas perçu comme malencontreux le médecin qui rappelle au salut par la douleur. Celui qui conserve le crédit de l’innocence, n’a pas à payer les intérêts usuraires de la pénitence.
Le Seigneur nous fait comprendre cette vérité en disant : Le médecin n’a pas à s’occuper des gens en santé, mais des malades. Et Il parle en toute clarté de ceux qui vont mal en disant : Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pécheurs. Jean les rappelle par la pénitence, Jésus les appelle par la grâce. Voilà pourquoi Jean, par le vêtement, la nourriture et le lieu, est tout imprégné de pénitence. Jean Baptiste vint dans le désert de Judée prêcher la pénitence : Faites pénitence. Jean clame la pénitence dans le désert de Judée, lequel , par sa stérilité, avec perdu le culte de la loi, l’enseignement des prophètes, la fécondité des pères, et le fruit de Dieu. C’est donc avec raison que ce sont les déserts des disciplines, non des hommes, non des lieux, qui sont appelés à la pénitence. La voix résonne là où il n’y a pas d’auditeur.
Il avait lui-même un vêtement en poils de chameau. Il aurait pu se le faire en poils de chèvre, mais il n’avait pas besoin de cilice. Il choisit les poils de l’animal le plus disgracié, qui n’a ni forme ni charme ni beauté; que la nature a assigné à un dur travail; qu’elle a chargé d’un lourd poids et qu’elle a livré à une servitude extrême. C’est pour une pénitence de cette nature que le maître s’est vêtu de ce vêtement. Pour que ceux qui, bien que droits, se sont détournés de la discipline, et qui sont devenus difformes en se rendant conformes aux pécheurs, se soumettent avec plus d’ardeur aux hardes de la pénitence, et y ajoutent les durs tourments de l’expiation; et pout qu’ils poussent les soupirs laborieux de la componction. Pour que, étant réduits à la taille d’une aiguille, ils entrent, par le chas étroit de la pénitence, dans le vaste espace de la rémission des péchés. Et pour que la parole du Seigneur soit accomplie : Un chameau peut-il passer par le chas d’une aiguille
Voici. A lui étaient les sauterelles, à moi le miel de la forêt. La sauterelle, qui est attribuée aux pécheurs qui se fustigent, figure à bon droit dans le menu de la pénitence. Pour que, s’exilant du lieu du péché au lieu de la pénitence, le pécheur puisse s’envoler au ciel sur les ailes du pardon. C’est précisément ce que le Prophète avait compris quand il disait : J’ai été placé en dessous comme une ombre qui décline, j’ai été secoué comme une sauterelle. Mes genoux se sont affaiblis à cause du jeûne, et ma chair a été transformée à cause de ta miséricorde. Tu entends de quelle façon il a sauté du péché à la pénitence comme une sauterelle, et comment il a incurvé ses genoux pour porter sur ses épaules le poids de la pénitence. Et le miel est ajouté à son régime, pour qu’il tempère l’amertume de la pénitence par la douceur de la miséricorde.
Source : jesusmarie.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde