Les homosexuels en quête d'une reconnaissance légale des enfants qu'ils élèvent
PARIS (AFP) - Des milliers d'enfants sont élevés par des homosexuels, en France, sans que leur existence soit prise en compte par la loi, ont déploré différents participants à une conférence sur "l'homoparentalité", mardi à Paris.
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"Il y a un +gaybyboom+", c'est-à-dire une explosion du nombre de naissances au sein des familles formées par des gays et/ou des lesbiennes, a fait valoir Franck Tanguy, porte-parole de l'association des parents et futurs parents gays et lesbiens, à l'ouverture de la conférence internationale organisée par l'APGL avec 45 sociologues, juristes ou psychiatres.
"Le législateur doit se dépêcher de prendre en compte la réalité des familles homoparentales, a ajouté M. Tanguy. Certains enfants ont entre vingt et trente ans et il leur manque une seule chose: la reconnaissance".
Pour Anne Cadoret, ethnologue chargée de recherches au CNRS et auteur de "Des parents comme les autres" (Ed. O.Jacob), "on ne peut pas dire +ça existe, il faut le reconnaître!+, mais on ne peut pas dire non plus: +ça existe et on ne le reconnaîtra pas!+. Il faut plutôt se demander, dit-elle, quels nouveaux problèmes cela pose et comment les résoudre dans le respect de l'enfant et des parents".
En marge des débats, Caroline, enseignante de 35 ans, explique ainsi qu'elle a porté les deux filles - conçues en Belgique par insémination artificielle avec donneur inconnu - qu'elle élève avec son amie. "Si je mourais, dit cette Lilloise, ma compagne n'aurait aucun droit sur l'enfant. Un conseil de famille se réunirait, avec mes parents, mon frère, et ce serait au juge de décider. Dans ce cas-là, il vaut mieux avoir sa famille dans sa poche..."
"Si jamais on se séparait, imagine-t-elle encore, je pourrais m'en aller à l'autre bout du monde avec nos filles. Ma compagne ne pourrait rien dire. Cela me donne un pouvoir énorme! Il y a des gens qui deviennent bêtes au moment d'une séparation et je préférerais être protégée contre ma propre bêtise..."
Joël Bedos, homosexuel, qui a fait un enfant avec une copine lesbienne, explique, lui, que sa fille de 3 ans a "quatre parents": "elle a son domicile principale chez les mères et elle vient deux jours par semaine chez moi et mon compagnon".
L'ethnologue Anne Cadoret le souligne: c'est d'une "révolution" dont il est question, pour "protéger le lien existant entre l'enfant et les différentes personnes engagées dans le projet parental".
"Dans notre ordre symbolique, souligne-t-elle, on a deux parents, père et mère. Et même quand on sort de cette adéquation géniteur-parent - comme au Québec, où deux femmes peuvent devenir les deux mères de l'enfant que l'une a porté -, on reste encore dans le schéma de pensée que l'enfant ne peut avoir que deux lignées".
Françoise Tulkens, juge à la cour européenne des droits de l'homme, invite à "renoncer à toute forme de dogme". Privilégiant la notion de "responsabilité" du parent, la magistrate belge se dit "mal à l'aise" avec la question de "l'intérêt de l'enfant".
"C'est une formule magique et diabolique, dit Mme Tulkens. Car qu'est-ce qui est bon pour l'enfant? Cela dépend bien souvent de la conception de celui qui en juge et, surtout, nous sommes tous dans la recherche éperdue du bon parent, nous sommes tous des parents limités, imparfaits."