HYMNE.
Les ombres de la nuit disparaissent, le jour désiré se lève, auquel l'Epoux éternel s'unit à la vierge Scholastique.
Le temps des frimas est passé, les nuages pluvieux ont disparu, les plaines du ciel s'émaillent de fleurs éternelles.
A l'appel du Dieu qui est amour, la bien-aimée déploie ses ailes ; conviée au baiser mystique, la colombe s'élance d'un vol rapide.
Que tu es belle dans ta marche triomphante, fille chérie du grand Roi ! L'œil de ton frère contemple ton départ ; son cœur rend grâces au Dieu éternel.
De sa droite l'Epoux la presse sur son sein ; elle recueille les couronnes qui lui sont dues ; plongée dans un fleuve de gloire, elle s'enivre des joies divines.
O Christ, fleur des vallons, que tous les siècles vous adorent, avec le Père et le Paraclet, dans toute l'étendue de cet univers. Amen.
Colombe chérie de l'Epoux, que votre vol fut rapide, lorsque, quittant cette terre d'exil, vous prîtes votre essor vers lui ! L'œil de votre illustre frère, qui vous suivit un instant, vous perdit bientôt de vue ; mais toute la cour céleste tressaillit de joie à votre entrée. Vous êtes maintenant à la source de cet amour qui remplissait votre cœur, et rendait ses désirs tout-puissants sur celui de votre Epoux. Désaltérez-vous éternellement à cette fontaine de vie; et que votre suave blancheur devienne toujours plus pure et plus éclatante, dans la compagnie de ces autres colombes, vierges de l'Agneau comme vous, et qui forment un si noble essaim autour des lis du jardin céleste.
Souvenez-vous cependant de cette terre désolée qui a été pour vous, comme elle l'est pour nous, le lieu d'épreuve où vous avez mérité vos honneurs. Ici-bas, cachée dans le creux de la pierre, comme parle le divin Cantique, vous n'avez pas déployé vos ailes, parce que rien n'y était digne de ce trésor d'amour que Dieu lui-même avait versé dans votre cœur. Timide devant les hommes, simple et innocente, vous ignoriez à quel point vous aviez « blessé le cœur de l'Epoux . » Vous traitiez avec lui dans l'humilité et la confiance d'une âme qu'aucun remords n'agita jamais, et il se rendait à vos désirs par une aimable condescendance; et Benoit, chargé d'années et de mérites, Benoit accoutumé à voir la nature obéir à ses ordres, était vaincu par vous, dans une lutte où votre simplicité avait vu plus loin que sa profonde sagesse.
Qui donc vous avait révélé, ô Scholastique, ce sens sublime qui, en ce jour-là, vous fit paraître plus sage que le grand homme choisi de Dieu pour être la règle vivante des parfaits? Ce fut celui-là même qui avait élu Benoît comme l'une des colonnes de la Religion, mais qui voulut montrer que la sainte tendresse d'une charité pure l'emporte encore à ses yeux sur la plus rigoureuse fidélité à des lois qui n'ont été faites que pour aider à conduire les hommes au but que votre cœur avait déjà atteint. Benoît, l'ami de Dieu, le comprit; et bientôt, reprenant le cours de leur céleste entretien, vos deux âmes se confondirent dans la douceur de cet amour incréé qui venait de se révéler et de se glorifier lui-même avec tant d'éclat. Mais vous étiez mûre pour le ciel, ô Scholastique ; votre amour n'avait plus rien de terrestre ; il vous attirait en haut. Encore quelques heures, et la voix de l'Epoux allait vous faire entendre ces paroles de l'immortel Cantique, que l'Esprit-Saint semble avoir dictées pour vous: « Lève-toi, ô mon amie, ma belle, et viens; ma colombe, montre-moi ton visage; que ta voix résonne à mon oreille ; car ta voix est douce, et ton visage est plein d'attraits (1). » Dans votre départ de la terre, ne nous oubliez pas, ô Scholastique ! Nos âmes sont appelées à vous suivre, bien qu'elles n'aient pas les mêmes charmes aux yeux de l'Epoux. Moins fortunées que la vôtre, il leur faut se purifier longtemps pour être admises dans le séjour où elles contempleront votre félicité. Votre prière força les nuées du ciel à envoyer leur pluie sur la terre ; qu'elle obtienne pour nous les larmes de la pénitence. Vos délices furent dans les entretiens sur la vie éternelle ; rompez nos conversations futiles et dangereuses ; faites-nous goûter ces discours du ciel, dans lesquels les âmes aspirent à s'unir à Dieu. Vous aviez trouvé le secret de cette charité fraternelle dont la tendresse même est un parfum de vertu qui réjouit le coeur de Dieu ; ouvrez nos cœurs à l'amour de nos frères ; chassez-en la froideur et l'indifférence, et faites-nous aimer comme Dieu veut que nous aimions.
Mais, ô colombe de la solitude, souvenez-vous de l'arbre sous les rameaux duquel s'est abritée votre vie. Le cloître bénédictin vous réclame, non seulement comme la sœur, mais encore comme la fille de son auguste Patriarche. Du haut du ciel, contemplez les débris de cet arbre autrefois si vigoureux et si fécond, à l'ombre duquel les nations de l'Occident se sont reposées durant tant de siècles. De toutes parts, la hache dévastatrice de l'impiété s'est plue à frapper dans ses branches et dans ses racines. Ses ruines sont partout ; elles jonchent le sol de l'Europe entière. Cependant, nous savons qu'il doit revivre, qu'il poussera de nouveaux rameaux, et que votre divin Epoux, ô Scholastique, a daigné enchaîner le sort de cet arbre antique aux destinées mêmes de l'Eglise. Priez pour que la sève première revive en lui; protégez d'un soin maternel les faibles rejetons qu'il produit encore ; défendez-les de l'orage, bénissez-les, et rendez-les dignes de la confiance que l'Eglise daigne avoir en eux.
Source : abbaye-saintbenoit.ch
Union de prière
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde