POUR LE JOUR DE NOËL
PREMIER SERMON du Saint Curé d'Ars (tome I)
Sur le Mystère
Evangelizo vobis gaudium magnum ; natus est vobis hodie Salvator.
Je viens vous apporter une heureuse nouvelle ;
c'est qu'il vous est né aujourd'hui un Sauveur. (5. Luc, II, 10.)
Apprendre, M. F., à un moribond qui est extrêmement attaché à la vie, qu'un habile médecin va le retirer des portes de la mort, et lui rendre une santé parfaite, pourrait-on lui donner une plus heureuse nouvelle ? Mais infiniment plus heureuse, M. F., est celle que l'ange apporte aujourd'hui à tous les hommes, dans la personne des bergers ! Oui, M. F., le démon avait fait, par le péché, les blessures les plus cruelles et les plus mortelles à nos pauvres âmes. Il y avait planté les trois passions les plus funestes, d'où découlent toutes les autres, qui sont l'orgueil, l'avarice, la sensualité. Etant devenus les esclaves de ces honteuses passions, nous étions tous comme autant de malades désespérés et ne pouvions attendre que la mort éternelle, si Jésus-Christ notre véritable médecin n'était venu à notre secours. Mais non, touché de notre malheur, il quitta le sein de son Père, il vint au monde dans l'humiliation, dans la pauvreté et dans les souffrances, afin de détruire l'ouvrage du démon et d'appliquer des remèdes efficaces aux cruelles blessures que nous avait faites cet ancien serpent. Oui, M. F., il vient, ce tendre Sauveur, pour nous guérir de tous ces maux spirituels, pour nous mériter la grâce de mener une vie humble, pauvre et mortifiée ; et, afin de mieux nous y porter, il veut lui-même nous en donner l'exemple. C'est ce que nous voyons d'une manière admirable dans sa naissance.
Nous voyons qu'il nous prépare, 1° par ses humiliations et son obéissance, un remède à notre orgueil ; 2° par son extrême pauvreté, un remède à notre amour pour les biens de ce monde, et 3° par son état de souffrance et de mortification, un remède à notre amour pour les plaisirs des sens. Par ce moyen, M. F., il nous rend la vie spirituelle que le péché d'Adam nous avait ravie ; et, si nous disons encore mieux, il vient nous ouvrir la porte du ciel que le péché nous avait fermée. D'après tout cela, M. F., je vous laisse à penser quelle doit être la joie et la reconnaissance d'un chrétien à la vue de tant de bienfaits ! En faut-il davantage, M. F., pour nous faire aimer ce tendre et doux Jésus, qui vient se charger de tous nos péchés, et qui va satisfaire à la justice de son Père pour nous tous ! O mon Dieu ! un chrétien peut-il bien penser à tout cela sans mourir d'amour et de reconnaissance ?
I. - Je dis donc, M. F., que la première plaie que le péché a faite dans notre coeur est l'orgueil, cette passion si dangereuse, qui consiste dans un fond d'amour et d'estime de nous-mêmes, qui fait 1° que nous n'aimons à dépendre de personne, ni à obéir ; 2° que nous ne craignons rien tant que de nous voir humiliés aux yeux des hommes ; 3° que nous recherchons tout ce qui peut nous relever dans l'estime des hommes. Eh bien ! M. F., voilà ce que Jésus-Christ vient combattre dans sa naissance par l'humilité la plus profonde.
Non seulement il veut dépendre de son Père céleste et lui obéir en tout, mais il veut encore obéir aux hommes et dépendre en quelque sorte de leur volonté. En effet, l'empereur Auguste, par vanité, par caprice ou par intérêt, ordonne qu'on fasse le dénombrement de tous ses sujets, et que chaque sujet se fasse enregistrer dans l'endroit où il est né. Nous voyons qu'à peine cette ordonnance publiée, la sainte Vierge et saint Joseph se mettent en chemin, et Jésus-Christ, quoique dans le sein de sa mère, obéit avec choix et connaissance à cet ordre. Dites-moi, M. F., pouvons-nous trouver un plus grand exemple d'humilité et plus capable de nous faire pratiquer cette vertu avec amour et empressement ?
Quoi ! M. F., un Dieu obéit à ses créatures et veut dépendre d'elles, et nous, misérables pécheurs, qui devrions, à la vue de nos misères spirituelles, nous cacher dans la poussière, nous pourrions rechercher mille prétextes pour nous dispenser d'obéir aux commandements de Dieu et de son église, à nos supérieurs, qui tiennent en cela la place de Dieu même ! Quelle honte pour nous, M. F., si nous comparons notre conduite à celle de Jésus-Christ ! Une autre leçon d'humilité que Jésus-Christ nous donne, c'est d'avoir voulu subir le rebut du monde. Après un voyage de plus de quarante lieues [1] Marie et Joseph arrivèrent à Bethléem ; avec quel honneur ne devait-on pas recevoir Celui que l'on attendait depuis quatre mille ans ! Mais comme il venait pour nous guérir de notre orgueil et nous apprendre l'humilité, il permet que tout le monde le rebute et que personne ne veuille le loger. Voilà donc, M. F., le maître de l'univers, le roi du ciel et de la terre, méprisé, rejeté des hommes, pour qui il vient donner sa vie afin de les sauver. II faut donc que ce tendre Sauveur soit réduit à emprunter la demeure même des animaux. O mon Dieu ! quelle humilité et quel anéantissement pour un Dieu ! Sans doute, M. F., rien ne nous est plus sensible que les affronts, les mépris et les rebuts : mais si nous voulons considérer ceux où Jésus-Christ a été réduit, quelque grands que soient les nôtres, pourrions-nous oser jamais nous plaindre ? Quel bonheur pour nous, M. F., d'avoir devant nos yeux un si beau modèle que nous pouvons suivre sans crainte de nous tromper ! [ …]
[1] Nazareth est à 35 lieues de Bethléem, d’après MM. Bacuez et Vigouroux, manuel biblique, tome III p 127
Source : livres-mystiques.com
Saint Noël à tous !
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde