Extrait d'un sermon du saint curé d'Ars pour le Mercredi des Cendres (Tome I)
[...]Nous craignons de faire pénitence. Mais voyez, M. F., la manière dont on se conduisait envers les pécheurs dans les commencements de l'Église. Ceux qui voulaient se réconcilier avec le bon Dieu se rendaient le mercredi des Cendres à la porte de l'église avec des habits sales et déchirés. Étant entrés dans l'église, on leur couvrait la tête de cendres, on leur donnait un cilice qu'ils devaient porter autant de temps que devait durer leur pénitence. Après cela on leur commandait de se prosterner contre terre, et pendant ce temps-là on chantait les sept psaumes de la pénitence pour implorer sur eux la Miséricorde de Dieu ; ensuite on leur faisait une exhortation pour les engager à se livrer à la pénitence avec autant de zèle qu'ils pourraient, espérant que peut-être le bon Dieu se laisserait toucher.
Après tout cela, on les avertissait qu'on allait les chasser de l'église avec confusion, comme Dieu chassa Adam du paradis terrestre après son péché. A peine les laissait-on sortir qu'on leur fermait dessus la porte de l'église. Mais si vous désirez savoir comment ils passaient ce temps-là, combien durait cette pénitence, le voici : d'abord, ils étaient ordinairement obligés à vivre dans la retraite ou bien à s'occuper des travaux les plus pénibles ; ils avaient tant de jours par semaine pendant lesquels ils devaient jeûner au pain et à l'eau, selon le nombre et la grandeur de leurs péchés ; ils avaient de longues prières pendant la nuit prosternés la face contre terre ; ils couchaient sur des planches ; ils se levaient plusieurs fois la nuit, pour pleurer leurs péchés. On les faisait passer par différents degrés de pénitence ; les dimanches, ils paraissaient à la porte de l'église vêtus d'un cilice, la tête couverte de cendre, restant dehors exposés au mauvais temps ; ils se prosternaient devant les fidèles qui entraient à l'église, en les conjurant, avec larmes, de prier pour eux. Au bout d'un certain temps, ils avaient la permission d'entendre la parole de Dieu, mais aussitôt que l'instruction était faite, on les chassait de l'église ; plusieurs n'étaient admis à la grâce de l'absolution qu'à l'heure de la mort. Encore regardaient-ils cela comme une grande grâce que l'Église leur faisait après avoir passé dix ans, vingt ans, parfois plus longtemps encore dans les larmes et la pénitence. Voilà, M. F., comment l'Église se conduisait autrefois pour les pécheurs qui voulaient se convertir tout de bon.
Si maintenant, M. F., vous désirez savoir ceux qui se soumettaient à toutes ces pénitences : je vous dirai tous, depuis les bergers jusqu'aux empereurs. Si vous en voulez un exemple, en voici un que nous avons dans la personne de l'empereur Théodose. Ayant péché plutôt par surprise que par malice, saint Ambroise lui écrivit en lui disant : « J'ai vu cette nuit dans une vision où le bon Dieu m'a fait voir que vous veniez à l'église, il m'a commandé de vous défendre d'entrer ». L'empereur, en lisant cette lettre, pleura amèrement ; cependant il alla se prosterner à la porte de l'église comme à l'ordinaire, avec espérance que ses larmes et son repentir toucheraient le saint évêque. Quand saint Ambroise le vit venir, il lui dit : « Arrêtez, empereur, vous êtes indigne d'entrer dans la maison du Seigneur ». L'empereur lui dit : « Il est vrai, mais David avait bien péché, et le Seigneur l'a pardonné ».- « Eh bien ! Lui dit saint Ambroise, puisque vous l'avez imité dans son péché, suivez-le dans sa pénitence. » L'empereur, à ces mots, se retire sans rien dire dans son palais, quitte ses ornements impériaux, se prosterne la face contre terre, s'abandonne à toute la douleur dont son cœur était capable. Il resta huit mois sans mettre les pieds à l'église. Lorsqu'il voyait que ses domestiques y allaient, tandis que lui-même en était privé, on l'entendait pousser des cris capables de toucher les cœurs les plus endurcis. Quand on lui permettait d'assister aux prières publiques, il se tenait, non comme les autres, debout ou à genoux, mais le visage prosterné contre terre de la manière la plus touchante, se frappant la poitrine, s'arrachant les cheveux et pleurant amèrement. Il conserva toute sa vie le souvenir de son péché ; il ne pouvait y penser sans verser des larmes. Eh bien ! M. F., voilà ce que fit un empereur qui ne voulait pas perdre son âme.
Que devons-nous conclure, M. F. ? Le voici : c'est que, puisqu'il faut nécessairement pleurer nos péchés, en faire pénitence ou dans ce monde ou dans l'autre, choisissons la moins rigoureuse et la moins longue. Quel regret, M. F., d'arriver à la mort sans avoir rien fait pour satisfaire à la justice de Dieu ! Quel malheur d'avoir perdu tant de moyens que nous avions de souffrir quelques misères qui, si nous les avions bien prises pour le bon Dieu, nous auraient mérité notre pardon ! Quel malheur d'avoir vécu dans le péché, espérant toujours que nous le quitterions, et de mourir sans l'avoir fait ! Mais prenons, M. F. une autre route qui nous consolera davantage dans ce moment ; cessons de faire le mal ; commençons à pleurer nos pêchés et souffrons tout ce que le bon Dieu voudra nous envoyer. Que notre vie ne soit qu'une vie de regrets, de repentir de nos péchés et d'amour de Dieu, afin que nous ayons le bonheur d'aller nous unir au bon Dieu pendant l'éternité. C'est ce que je vous souhaite.
Source : livresmystiques.com
Saint Carême à tous !
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde