Voici un article du figaro :
http://www.lefigaro.fr/france/20050907.FIG0216.html?074247
SANTÉ PUBLIQUE Après treize ans d'enquête
Hormone de croissance : l'instruction est enfin bouclée
Marie-Christine Tabet
[07 septembre 2005]
Depuis quelques jours, les familles des victimes de l'hormone de croissance retiennent leur souffle. L'information s'est propagée comme une traînée de poudre. La clôture de l'instruction serait proche. Le juge aurait refermé la dernière page des 62 tomes d'une instruction longue de treize ans. Les parties civiles et les mises en examen pourraient recevoir dans les toutes prochaines heures, d'ici à la fin de la semaine au plus tard, une notification leur signifiant la fin de l'instruction. De nombreux signes annonçaient cet épilogue. Avant l'été, le magistrat a reçu tous les mis en examen pour leur rappeler les charges retenues contre eux.
«C'est imminent», raconte Jeanne Goerrian, la présidente de l'association des victimes de l'hormone de croissance. Ce courrier signifierait la clôture de la plus ancienne affaire de santé publique. La première plainte a été déposée le 24 décembre 1991 par la famille Benziane, dont le fils venait de mourir dans de troublantes circonstances.
A l'époque, nul ne devinait l'ampleur du drame qui s'annonçait. La maladie a en effet provoqué 103 décès officiellement recensés. Trois jeunes viennent de développer la maladie de Creutzfeldt-Jakob, une dégénérescence mortelle du cerveau. Un millier d'enfants auraient été traités pendant la période à risque.
Au début des années 80, ils avaient été contaminés par des injections d'hormones de croissance extraites d'hypophyse humaine. Un traitement administré à des enfants souffrant de nanisme. Dès 1991, un rapport de l'Inspection générale de l'administration sociale (Igas), pièce maîtresse du dossier, avait relevé les nombreux dysfonctionnements dans la collecte et le traitement des hypophyses nécessaires à la confection des hormones.
Le juge d'instruction, Marie-Odile Bertella-Geffroy, a prononcé douze mises en examen à l'encontre de dirigeants de la pharmacie centrale des Hôpitaux de Paris, d'anciens responsables de l'association France-Hypophyse qui autorisaient les prescriptions, de médecins prescripteurs et collecteurs et d'un praticien de l'Institut Pasteur en charge du traitement des hypophyses.
Le dossier qui s'achève est symbolique par bien des aspects. Après le fiasco judiciaire du sang contaminé, en 2003, qui s'est achevé par un non-lieu général, les victimes s'interrogent sur l'avenir de cette nouvelle affaire. L'ancien procureur de la République Yves Bot leur a affirmé qu'il y aurait bien un procès.
Le dossier pose aussi la question de l'inadaptation de la justice à ce type d'affaires complexes. Au mois d'août dernier, l'avocat d'une des associations de victimes a d'ailleurs assigné l'Etat devant le tribunal de grande instance de Paris en invoquant le non-respect du «délai raisonnable». «Nous considérons que cette affaire devrait être terminée depuis cinq ou six ans, se plaint Me Gisèle Mor, qui représente l'AVMCJ-APEV. Personne ne s'est donné les moyens de la traiter rapidement.» Dans l'autre association, l'AVHC, qui regroupe la majorité des plaignants, la perception des choses est radicalement différente. «L'instruction a été longue, reconnaît sa présidente Jeanne Goerrian, mais il s'agit d'une affaire considérable. Nous enregistrons entre huit et dix décès par an. Les familles rentrent progressivement dans la procédure. Les progrès scientifiques actuels permettent de comprendre ce qui s'est passé à l'époque.»
Quel que soit leur état d'esprit, victimes et mis en examen devront attendre encore de longs mois avant de connaître l'épilogue de l'affaire. «A partir du moment où toutes les parties seront informées de la fin de l'instruction, explique un magistrat du parquet, elles disposeront d'un délai de vingt jours pour faire des demandes d'actes. Beaucoup de voies de recours sont possibles.» Le procès ne devrait donc pas se tenir avant la fin de la fin de l'année 2006, peut-être même en 2007. Mais, dans cette affaire, le temps est un acteur avec lequel tous les protagonistes ont appris à compter.