La religion en vedette
Après le très populaire forum des citoyens qui a eu lieu lundi soir, la Commission de consultation sur les pratiques d'accommodements reliés aux différences culturelles a fait place aux audiences publiques, mardi, à Drummondville.
C'est la question de la religion qui a retenu l'attention lors de cette deuxième et dernière journée de la Commission Bouchard-Taylor dans la région.
Plusieurs ont plaidé en faveur d'une plus grande place de la religion catholique, et ce, à l'école comme dans la vie en général. « La pensée religieuse doit d'abord se forger chez l'enfant avant qu'il ne soumette sa croyance religieuse à la critique », a affirmé Gilbert Deshaies, de Drummondville.
Des prêtres ont toutefois soutenu qu'il était temps que le catholicisme prenne le virage de l'an 2000. Pour le curé Lionel Émard, il n'appartient pas à l'État, mais plutôt à la communauté religieuse, de favoriser la pratique religieuse.
« La responsabilité de l'État face aux religions, aux croyances, est de faire en sorte que tous puissent vivre en harmonie et quiétude. Demander plus à l'État, c'est simplement risquer la mésentente et briser l'harmonie. Laissons à l'État ce qui appartient à l'État et aux religions ce qui appartient aux religions. La promotion des croyances religieuses ne revient pas à l'État, mais aux religions », a affirmé le prêtre Lionel Émard, curé de trois paroisses rurales de la région de Yamaska.
Il perçoit une certaine nostalgie des valeurs morales dans la population, notamment chez les parents. « Les gens veulent des valeurs morales, mais pas nécessairement des valeurs religieuses catholiques », a ajouté le curé Émard.
Plusieurs participants ont souligné l'importance pour l'Église et l'État de jouer chacun leur rôle sans se mêler de celui de l'autre, et ce, en matière d'éducation tout comme dans l'entreprise privée. « Si une cabane à sucre décide de laisser un groupe de personnes imposer son rituel de prière, ça ne regarde pas le gouvernement. Ça relève de l'entreprise privée », a expliqué Jean Delisle, de Drummondville.
À l'inverse, un vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, Gérard Malo, a déploré le déclin moral qui frappe selon lui le Québec. Il attribue ce déclin à une culture de surconsommation et à un net recul de la pratique religieuse.
À la fin de sa présentation devant la Commission, l'homme de 86 ans s'est levé et a loué Dieu en six langues. Il a également félicité les musulmans pour leur ferveur religieuse. « Vous priez beaucoup et bien. Ça pourrait être une émulation pour nous, chrétiens », a-t-il dit.
Des immigrants prennent la parole
Des immigrants de la région ont également pris la parole. Aziza Aboulaz, originaire du Maroc, a cherché à démolir quelques idées préconçues au sujet de l'Islam. « Je n'ai pas eu à demander la permission de mon mari pour venir témoigner ici », a-t-elle dit. Cette femme, qui porte le foulard islamique, a affirmé avoir sa propre voiture et espérer se trouver un emploi.
Du même souffle, Mme Aboulaz a dit s'opposer aux accommodements religieux parce qu'ils nuisent à l'image des musulmans. Elle considère également que les musulmans intégristes réclament trop de droits. « J'aimerais dire à certains musulmans de se calmer le pompon, comme on dit en québécois. Une minorité d'individus devront se montrer plus réalistes, car nous ne pouvons pas abuser de la liberté du pays et de la charte des droits pour faire n'importe quoi », a-t-elle dit.
Cette diplômée en comptabilité et gestion au Maroc, qui avait 15 années d'expérience dans le milieu bancaire et des assurances, n'a pas pu faire reconnaître sa formation au Québec. Elle a dû refaire son cinquième secondaire.
D'autres immigrants de la région ont demandé davantage d'investissement dans les structures d'accueil des nouveaux arrivants pour faciliter leur intégration. Ils ont cependant tenu à préciser qu'ils étaient heureux au Québec.
D'autres participants sont venus dire que la plus grande menace à l'identité et à la culture québécoise ne venait pas tant de l'immigration, mais bien de l'envahissement culturel en provenance des États-Unis.
La commission Bouchard-Taylor se déplacera à Laval le 13 novembre.