Ce matin, j’ai rencontré Jamel. Je ne l’avais pas vu depuis bien longtemps et une joie m’a envahi en le croisant de nouveau… Jamel est musulman. Bien des choses devraient nous séparer et pourtant, j’ai plus de points en commun avec lui que bien des chrétiens. Pourquoi donc ? C’est un frère en Christ et il ne le sait pas… Il me disait ce matin : « va à l’Eglise, mon frère et à bientôt ! » Ce matin était la fête de l’épiphanie, ces rois païens venus adorer l’enfant-Dieu, et je n’ai pu m’empêcher de me dire que Jamel aurait pu être un de ces rois dits païens…
Qui sont les païens ? Païens, ce sont les idolâtres dit-on, mais aussi tous ceux hors de nos religions en un seul Dieu ; il est vrai que nous craignons aussi les musulmans d’une autre culture et nous méfions même de nos amis protestants, non pour eux spécialement mais de par leurs doctrines où la plénitude de la révélation n’est pas entière, où des hérésies ont pu se glisser… Sujet brûlant que nous évitons d’aborder pour ne pas rallumer la guerre…
Avec Jamel, rien de tout cela (avec quelques autres aussi, Dieu merci) Rien de tout cela sans pour autant renier nos identités. Pas de tabou, nous parlons de tout sans avoir peur, et quand nous ne pouvons concilier nos dogmes, notre foi dans nos principes fondamentaux, nous écartons le sujet sachant que c’est aux fruits que se mesurera la vérité…Nous préférons échanger dans les points communs où nos cœurs se rejoignent, échanger pour apprendre de nos cultures différentes et je sens en lui cette unité que je recherche : mon cœur et mon âme jubilent car le Seigneur est là : Abraham, Ismaël, les prophètes anciens et modernes siègent autour de nous… Je retrouve cela avec des frères chrétiens, bien sur, mais trop peu, comme si l’apparence était le ciment de notre fraternité, la forteresse de notre sécurité… Nous pouvons pourtant agir ensemble malgré nos perceptions différentes des choses, non ? …
Il y a bien sur des désaccords fondamentaux avec les musulmans et d’autres, mais c’est le cœur et non les démonstrations ou raisonnement qui nous uniront… Païen est avant tout l’état d’esprit du pharisien, du bien-pensant moderne fermé dans ses certitudes, figé dans l’orgueil spirituel. Nous reconnaissons les vrais disciples du Christ dans le regard d’amour qui ne juge pas, dans le regard sur soi sachant notre misère personnelle et que le rachat se fait en ne faisant pas de différences, en repoussant les peurs de la chair voulant nous isoler des autres : peur de l’inconnu, peur stupide qui gâche tout… Le diable n’a même plus besoin d’agir…
J’ai eu deux sourires ce matin, celui de Jamel, heureux de me revoir, celui d’un ami chrétien qui faisait la quête à cette messe où j’étais allé. Les deux ne se sont souciés de rien : ils étaient sincères et en eux était le Christ, notre Jésus, l’enfant-Dieu salué par des païens, païens éclairés.
Un jour viendra où le loup paîtra avec l’agneau, où toutes les religions se fondront dans la plénitude de l’Amour de Dieu parce qu’elle sera accomplie dans nos cœurs. Qu’elle soit inscrite dans un livre saint ne suffit pas : nous la déformons dans nos miroirs de païens, quelles que soient nos religions si nous n’y prenons garde. Cela n’empêche pas ma fierté d’être catholique car je suis persuadé que c’est le chemin le plus sur d’aller vers Dieu. Je déteste cet œcuménisme qui ferait croire que tout se vaut. Le véritable œcuménisme est dans ce qui nous rassemble et les actes en sont le fondement. Le disciple n’est pas au-dessus du Maître : jésus a parlé aux romains, aux incroyants, Il a donné sa doctrine avec force et joie mais n’a forcé personne ; c’est Son attitude, avant tout, qui a touché les cœurs, et ceux qui se sont ouverts ont pu recevoir le reste…
Plus facile à dire qu’à faire, c’est vrai…
En faisant grandir Jésus dans tout notre être par des actes quotidiens d’amour, d’oubli de soi, en s’aimant pour aimer le prochain, sans convaincre par des paroles en premier, alors, notre chair se prosternera devant le Dieu vivant en nous, le diable sera écarté et le monde enfin acceptera le Seigneur. Sans doutes alors, le paganisme disparaîtra !
Alléluia !