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| Sujet: La Turquie peu charitable avec ses chrétiens Mar 28 Nov 2006, 18:34 | |
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La Turquie peu charitable avec ses chrétiens Alors que le pape arrive demain à Ankara pour une visite de quatre jours, la spoliation par l'Etat des biens immobiliers des communautés catholique, grecque orthodoxe et arménienne persiste. Sous pression de l'Europe, une loi censée protéger le patrimoine des fondations religieuses vient d'être adoptée. Par Marc SEMO QUOTIDIEN : lundi 27 novembre 2006
Dans un catalogue de promoteur immobilier, cela s'appelle «une vue imprenable». Une coulée d'arbres dévalant jusqu'au Bosphore où des files de cargos remontent ou descendent ce détroit encaissé qui sépare l'Europe de l'Asie. A Bebek, très élégante banlieue branchée de la rive européenne, le prix du mètre carré est parmi les plus chers d'Istanbul et il bat tous les records s'il y a le panorama. Les trois petits immeubles de deux étages encore en construction deviendront, dans quelques mois, la «Bebek Koy rezidanz» la résidence du village de Bebek , séjour hôtelier de grand luxe. L'Etat a concédé pour quarante-neuf ans à un promoteur immobilier ce terrain boisé de 63 000 m2, confisqué une décennie plus tôt aux pères Lazaristes. Depuis un siècle et demi s'élevait là, sur les contreforts de Bebek, l'un des principaux orphelinats catholiques, en partie désaffecté depuis le départ de la plupart des familles levantines souvent d'origine italienne ou française , jadis nombreuses dans la grande métropole du Bosphore. «L'ordre d'expulsion est arrivé en 1998 et la quinzaine de pensionnaires toutes des jeunes filles pauvres chrétiennes chaldéennes ont été contraintes de retourner dans leurs familles et les deux soeurs de la Charité qui s'en occupaient ont dû elles aussi se résigner à partir», soupire une ancienne assistante d'éducation de l'établissement. Année après année, elle voit ainsi disparaître ce qui reste de la présence chrétienne dans l'ancienne capitale ottomane. Après la Première Guerre mondiale, les non-musulmans (catholiques, mais surtout Grecs, Arméniens et Juifs) représentaient encore un bon tiers de la population de la vieille Stamboul. Sur le même sujet
* Moins de 100 000 chrétiens
Devant la Cour européenne des droits de l'homme En contrebas de l'orphelinat détruit, se dresse l'église des Lazaristes, tous espagnols, qui sont aussi propriétaires du bel immeuble de pierre de l'autre côté de la cour. «Depuis des années, il est occupé par des familles qui refusent de payer le moindre loyer, mais on ne peut rien faire. Bien que nous soyons ici depuis des lustres, payant l'eau comme l'électricité et tous les impôts, nous n'avons toujours aucune existence légale en tant que communauté religieuse catholique», explique un des pères. Pire, les habitants de l'immeuble viennent d'ouvrir une procédure pour protester contre «les nuisances» causées par des travaux de rénovation de l'église. Assidûment fréquentée le dimanche par une petite communauté d'expatriés, celle-ci n'est pourtant pas menacée. D'autres lieux de culte n'ont pas eu cette chance. Installée depuis 1860 dans une petite rue du centre du Kadikoy, sur la rive asiatique du Bosphore, l'église des pères assomptionnistes a été saisie en 1990. «Un papier officiel nous a été communiqué un matin, affirmant que le bâtiment est désormais inscrit au patrimoine de la République et appartient au ministère du Trésor», se souvient l'un des pères. Ils ont craint «d'être chassés immédiatement», mais le dossier est remonté jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg. Il y a eu un accord à l'amiable en 2003 et les religieux sont restés. De telles confiscations concernent plus souvent encore les biens des fondations religieuses des «minoritaires» arméniens, juifs et grecs, suscitant l'indignation des Européens qui dénoncent régulièrement «les carences d'Ankara en matière de libertés religieuses». L'enjeu est énorme. Il porte sur des milliers d'immeubles, d'orphelinats ou d'écoles, voire même des églises considérées à tort ou à raison comme en déshérence. Après des années de fortes pressions de Bruxelles, le Parlement turc a voté il y a un mois une loi garantissant les propriétés des fondations religieuses y compris étrangères et la restitution de certains biens mis sous tutelle publique. Un vote à l'arraché, malgré l'hostilité des ultranationalistes et les réticences de la gauche. «Il faut faire très attention à ce que l'assouplissement de la législation sur les fondations religieuses étrangères ne soit pas utilisé par des islamistes saoudiens ou autres au nom du principe d'égalité reconnu par la Constitution», explique Onur Oymen, ancien ambassadeur et vice-président du Parti républicain du peuple, rappelant aussi qu'en France «les églises construites avant la loi de séparation de l'Etat de 1905 appartiennent à l'Etat ou aux communes qui ont la charge de leur entretien». Comme des étrangers Inspirée du modèle jacobin, la république laïque, fondée par Mustapha Kemal sur les décombres de l'Empire ottoman, a confisqué dès les années 20 tous les biens des confréries et des multiples fondations religieuses islamiques. Les musulmans (99 % de la population) dépendent du tout-puissant Directoire des affaires religieuses, qui institutionnalise le contrôle de l'Etat sur l'islam, gérant les mosquées et leurs 50 000 imams, tous fonctionnaires. La loi ne reconnaît pas les communautés religieuses, même comme associations. Catholiques et protestants sont ainsi considérés comme étrangers. En 1923, le traité de Lausanne (1) reconnaissait toutefois des droits spécifiques à trois communautés «minoritaires» : les Grecs, les Arméniens et les Juifs. Ceux-ci pouvaient notamment conserver leurs fondations religieuses, gérant les biens dont les revenus servent à entretenir les lieux de culte ou les institutions communautaires. Mais elles restaient soumises à de nombreuses restrictions. Et, surtout, l'Etat a continué à faire main basse sur les immeubles et les terrains. «Ces spoliations représentent le dernier maillon d'une politique systématique commencée en 1915 pour transférer le capital des non-musulmans aux musulmans», dénonce Baskin Oran, professeur de sciences politiques à Ankara. Les représentants du Trésor ou du Directoire général des fondations, un organisme public, ont utilisé toutes les subtilités de la loi et surtout le flou qui entoure les titres de propriété. Beaucoup dataient en effet de l'époque ottomane. Il y avait parfois un firman (décret) du sultan, mais, comme les églises n'avaient pas de personnalité juridique propre, le terrain était acheté sous un prête-nom ou mis au nom d'un saint ou de la Vierge. «Les appropriations en justice donnaient lieu à des scènes surréalistes. La Cour faisait comme si Marie était réellement une personne disparue. Elle était citée avec son nom et sa situation de famille, fille d'Anne et Joachim. Le juge constatait sa mort et l'absence de tout héritier, puis entérinait les droits du Trésor sur le bien», raconte Emre ÷kten, professeur de droit à l'université de Galatasaray. «Otages» des tensions turco-grecques Les spoliations se sont ainsi multipliées après 1974. C'était en pleine crise de Chypre et en un moment de grande tension dans les relations turco-grecques. Un arrêt de la Cour de cassation refusait aux fondations les titres de propriété pour les biens ne figurant pas sur les listes de leur patrimoine dressées en 1936. «Les minoritaires sont des citoyens turcs et l'Etat les traite comme des étrangers, arguant, au nom du traité de Lausanne, d'un principe de réciprocité sur les restrictions imposées par les autorités grecques à la minorité musulmane turque de Thrace», s'indigne Emre ÷kten. Il souligne que, par extension, les autres minoritaires ont été traités de la même façon, «tous otages des variations dans les difficiles relations gréco-turques». «Mais il n'y a aucun front commun des minoritaires et chaque communauté joue ses propres cartes avec des résultats très différents», remarque un expert européen. Et, aujourd'hui encore, les Grecs sont les plus pénalisés. «Nous étions jadis les plus riches et les plus puissants alors qu'aujourd'hui nous sommes les moins nombreux», explique Laki Vingas, intellectuel et homme d'affaires, regrettant «surtout le manque de confiance et le fait de ne pas pouvoir être considéré comme n'importe quel autre citoyen turc». Emblème de leur combat, l'orphelinat qui se dresse sur une colline au milieu de Buyuk Ada, dans les îles aux Princes. Un magnifique édifice, le plus grand bâtiment en bois d'Europe, inoccupé depuis des années et agonisant faute d'entretien. Le patriarcat orthodoxe veut le récupérer en son nom propre, ce que refusent les autorités d'Ankara, opposant à cette volonté le fait que cet organisme n'a pas de personnalité juridique. Le cas a été porté devant la Cour européenne des droits de l'homme. «Elle devrait rendre bientôt sa décision, après avoir traité ce dossier en priorité en raison de son caractère symbolique pour les droits de l'homme en Turquie», souligne Atas Sakmar, avocat et professeur de droit. «Après un premier assouplissement de la loi en 2002, il y a eu seulement 1 800 demandes de restitutions à Istanbul, et la moitié à peine a été acceptée», souligne l'avocat Murat Cano, qui défend les intérêts de nombreuses fondations grecques. Car il existe aussi des milliers d'autres affaires de ce type, moins médiatisées ou moins spectaculaires. Ainsi, une fondation importante gérant le grand hôpital grec de Balikli s'est vue peu à peu privée de la moitié de son patrimoine immobilier. Et c'est ce seul patrimoine qui assure le financement du centre médical, ouvert à tous sans aide publique. «Freiner les activités des fondations religieuses» Plus nombreuse et surtout mieux organisée, la communauté arménienne a été moins touchée par les spoliations, même si, au cours des décennies passées, quelques centaines de leurs biens immobiliers sont aussi passées aux mains de l'Etat. «Cette politique des pouvoirs publics obéit à un double but : enrichir l'Etat et appauvrir les fondations des minoritaires afin de freiner leurs activités», accuse l'avocat Dinar Bakar. Beaucoup de ses dossiers ont fini devant la Cour européenne des droits de l'homme, dont celui d'un magnifique immeuble d'Eminonu légué à un hôpital arménien par le milliardaire Calouste Gulbekian. Avec la nouvelle loi, il espère enfin pouvoir récupérer nombre de ces biens mais sans trop d'illusions. Il soupire : «Il est trop tard pour tous les biens spoliés entre-temps et revendus à des particuliers.» (1) Signé le 24 juillet 1923, ce traité reconnaissait la souveraineté de la Turquie dans ses actuelles frontières et entérinait aussi le vaste échange de population gréco-turque.
Leodia Source : libération http://www.liberation.fr/transversales/grandsangles/219489.FR.php
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Que les Coeurs Unis de Jésus et Marie nous protègent et nous guident.
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