La Science mobilise le clergé pour défendre Darwin face aux créationnistes
AFP 20.02.2006 - 9:51
La communauté scientifique américaine entend intensifier ses efforts d'éducation dans le public en réponse au mouvement populaire en faveur de la thèse divine de la création du monde qui s'oppose à la théorie de l'évolution, mobilisant pour ce faire le clergé.
La décision, fin décembre, d'un juge fédéral en Pennsylvanie (est), statuant qu'un enseignement de la biologie qui mentionne l'origine divine de la création du monde était anticonstitutionnel, "a été une défaite cinglante" pour les défenseurs du "dessein intelligent", un avatar du créationnisme, a estimé dimanche Eugenie Scott, directrice du Centre National pour l'éducation, une importante organisation américaine d'enseignants et de scientifiques.
D'autres conseils d'éducation locaux dans le pays, qui sont élus aux Etats-Unis, ne pourront plus imposer un enseignement de la thèse néo-créationniste dans les écoles publiques sans immédiatement se faire désavouer par la justice, a-t-elle expliqué à la presse, en marge de la conférence annuelle de l'association américaine pour la promotion de la science (AAAS), la plus grande organisation scientifique mondiale.
La semaine passée, un conseil d'éducation d'Ohio (est) est revenu dans un vote sur un programme d'éducation qu'il avait approuvé en 2004 qui autorisait les professeurs de science des lycées à encourager leurs élèves à mettre en doute certains aspects de l'évolution.
"Mais tout cela ne signifie pas pour autant que le dessein intelligent (Intelligence Design) est mort", a poursuivi Eugenie Scott, soulignant que "ce mouvement social religieux est très populaire" aux Etats-Unis.
"Nous connaissons ce problème depuis longtemps, ses racines sont profondes dans la société et il faudra longtemps pour les extirper", a-t-elle ajouté.
Selon elle, "la solution ultime est une meilleure compréhension dans le public américain de la nature de la science et de la théorie de Darwin" et pour réussir cette tâche "la communauté religieuse doit jouer un rôle important".
Il faut faire comprendre "qu'il est possible d'être croyant tout en acceptant la théorie de l'évolution", a poursuivi Eugenie Scott. "Ce n'est pas nouveau et ça sera long", a-t-elle dit.
"Il est temps de reconnaître que la science et la religion ne devraient jamais être dressées l'une contre l'autre", a de son côté insisté Gilbert Omenn, le président de l'AAAS et professeur de Médecine.
Le clergé protestant s'est déjà mobilisé. Warren Eschbach, un professeur de théologie luthérienne en Pennsylvanie, qui se trouvait à St Louis ce week-end pour la conférence scientifique, a déjà obtenu le soutien de plus de dix mille pasteurs en faveur de la théorie de l'évolution.
"Une théorie rigoureuse sur laquelle la plus grande partie de la connaissance humaine repose", peut-on notamment lire dans cette pétition.
Pour leur part, des intellectuels catholiques se sont aussi joints à ce mouvement visant à réconcilier Dieu et Darwin aux yeux des masses populaires américaines.
"Le dessein intelligent est un mouvement qui rabaisse Dieu à une sorte d'ingénieur", a dit devant la presse George Coyne, prêtre et astrophysicien qui dirige l'Observatoire du Vatican, l'une des plus anciennes institutions de recherche astronomique mondiale.
"Il s'agit d'un Dieu qui aime, qui est bienveillant, pas d'un ingénieur", a ajouté George Coyne. "La science nous éclaire sur l'Univers pas sur Dieu", a-t-il encore dit.
Peu de temps avant qu'il soit élu pape, Benoît XVI, avait clairement indiqué dans des écrits une position similaire en disant "la théorie de l'évolution n'était pas incompatible avec les enseignements catholiques".
"Une partie de notre travail est désormais de mieux éduquer le public et les parents de nos élèves sur l'importance de la démarche scientifique", a dit Robert Eshbach, un professeur de Dover en Pennsylvanie.