Sermon pour la Pentecôte de Saint Augustin
1. Heureux jour, mes frères bien-aimés; jour aimable et ravissant, dans lequel le Seigneur accomplit ses promesses à l'égard de ses disciples. Je vous en conjure, réunissezvous dans une fervente prière, afin de m'obtenir la grâce de parler dignement de ces profonds mystères, et pardonnez-moi si je reste inférieur à la mission que j'entreprends.
2. La solennité de Pâques est arrivée à son terme sans rien perdre de son éclat, et nous a préparés aux splendeurs de ce jour. Pâques a été le commencement de la grâce, la Pentecôte en est le couronnement. Or, les Apôtres étaient réunis dans le cénacle, attendant la venue du Saint-Esprit, et voici que soudain il se fait un grand bruit dans le ciel, et bientôt les disciples se voient calomniés par les Juifs. En effet, comme ces disciples se répandaient en abondantes paroles, on les crut pris de vin, quoique l'heure même où ils parlaient prouvât qu'ils étaient à jeûn. Du reste, ce n'est pas sans un secret dessein de la Providence que cette accusation leur fut lancée; car Jésus-Christ s'est dit lui-même la vigne véritable « Je suis la vigne », dit-il, « et mon Père est le vigneron (1) ». O vin sobre d'ivresse et produisant l'enivrement de la foi ! O vin cueilli sur une vigne auguste et tiré d'une grappe divine ! Magnifique comparaison comme la grappe est portée par le cep, Jésus-Christ était porté par la croix. Or, les disciples étaient remplis du Saint-Esprit, car le Saint-Esprit, qui avait couvert de son ombre la Vierge Marie, sans porter atteinte à sa pureté, venait de descendre sur les Apôtres en forme de langues de feu, sans brûler leurs cheveux.
3. Le prodige que le Seigneur avait autrefois accompli en faveur des trois enfants dans la fournaise, Jésus-Christ le renouvelle en favetir de ses douze Apôtres. Ces
1. Jean, XV, 16.
trois enfants ont pu être jetés dans une fournaise ardente ; pour entrer dans le feu ils étaient enchaînés; mais bientôt ils purent se promener en toute liberté dans les flammes. Ils convertirent à la foi un roi barbare; de même le miracle accompli en faveur des Apôtres détermina trois mille personnes à embrasser la foi de Jésus-Christ. Je ne vous tairai pas, mes frères, les pensées qui assiègent mon esprit dans les joies de cette solennité. Selon la tradition que nous avons reçue de nos ancêtres , la flamme sortant de la fournaise s'élevait à quaranteneuf coudées; or, c'est ce nombre quaranteneuf qui devait être consacré dans le mystère des sept semaines. Car sept multiplié par sept donne le chiffre de quarante-neuf. Mais où est le premier jour? Cherchons-le, afin de compléter le nombre cinquante. Ce jour était dans la fournaise de feu avec les trois enfants; c'est lui qui inspirait leur chant, versait sur eux une rosée rafraîchissante et ôtait aux flammes leur ardeur. A la vue de ce prodige dont ils étaient témoins, les ministres disent au roi : O roi, venez et voyez. La fournaise est tout embrasée de soufre et de bitume; les flammes s'élancent furieuses, et les corps n'en subissent aucune atteinte ; quelque chose est donc venu s'ajouter au nombre précédent. A cette nouvelle le roi accourt plein de joie et d'allégresse, et avant qu'il arrivât à la fournaise, une grande lu
mière brillait dans son coeur. Il dit à ses amis : « N'avons-nous pas jeté dans la fournaise trois hommes chargés de chaînes? Ses amis lui répondirent : « C'est bien la vérité (1) ». Et le roi, plein de foi, leur dit Mais voici que je vois ce que vous ne voyez pas. Je ne sais quelle ardeur me saisit et inonde mon âme d'une lumière intérieure. Vous pouvez être mes amis, mais vous ne pouvez entrer dans mon coeur. Oui, je vois ce que vous ne voyez pas ; je vois une chose admirable, étonnante. Cette fournaise, destinée à dévorer les hommes dans les flammes, a appris à engendrer des anges. Que votre amitié cesse, parce que la foi est devenue l'amie de mon âme. Je ne veux plus que vous soyez mes amis; je n'ai plus confiance en vos paroles; je vois Dieu de mes yeux; mes yeux sont remplis d'une vision magnifique, parce que le quatrième personnage que j'aperçois est semblable au Fils de Dieu. O mes amis, vous savez comme moi que nous avons jeté trois hommes dans la fournaise; comment donc puis-je en voir quatre se promener dans les flammes? Quel est ce mystère? Un feu divin est entré en moi; je repousse votre amitié et je possède la foi.
Mes frères, conservons cette foi dans nos coeurs, afin que nous y conservions le Saint Esprit comme les Apôtres.
1. Dan. III, 19.
Source : abbaye-saint-benoit.ch
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde