Lettre canonique à Letoius, évêque de Melitene
1
(Prologue)
De la pénitence et de la conversion.
Des péchés commis par concupiscence et plaisir charnel.
Les péchés que fait commettre la concupiscence et le plaisir charnel se divisent de la façon suivante: l'un s'appelle adultère, l'autre fornication. Certains amateurs d'une précision plus grande se sont plu à croire que la faute par fornication est aussi un adultère, du fait qu'il n'y a qu'une union charnelle légitime, pour le mari avec sa femme et pour la femme avec son mari. Or, tout ce qui n'est pas légitime est certainement contre la loi, et celui qui retient en sa possession ce qui n'est pas sien, retient évidemment la chose d'autrui; car chaque homme n'a reçu de Dieu qu'une seule aide et à chaque femme n'a été donné en propre qu'un seul chef. Donc, si l'on retient pour soi «son propre vase», - c'est le terme que l'apôtre emploie, - la loi de la nature en permet le juste usage; mais, si l'on en prend un hors du sien, on prendra évidemment celui d'autrui, puisque tout ce qui n'est pas à nous est à autrui, même s'il n'a pas un maître déterminé. Ainsi, même la fornication ne serait pas bien éloigné du péché d'adultère pour ceux qui en ont scruté le concept avec un peu plus de précision, puisque la divine Écriture aussi dit : «N'accordez pas grande attention à celle qui est à autrui». Mais, comme une certaine condescendance a été faite par nos pères envers ceux qui sont faibles, on a distingué le péché selon la division générale mentionnée plus haut, de manière à appeler fornication la concupiscence satisfaite sans causer du tort à un tiers, et adultère, celle qui comporte une injustice préméditée, commise contre autrui. Ils ont rangé sous celle-ci le péché de bestialité et la pédérastie, parce qu'ils sont adultère contre la nature, car l'injustice est commise contre ce qui n'y est pas destiné et contre nature.
Cette division établie pour cette sorte du péché, le remède général, c'est de purifier l'homme en l'amenant à se repentir de la passion enragée qu'il a eu pour de tels plaisirs. Et puisque le péché de ceux qui se salirent par la fornication ne comporte point d'injustice, le temps de la pénitence de ceux qui se souillèrent par l'adultère ou dans les autres péchés défendus, bestialité et passion enragée du mâle, fut compté double; car double en est le péché, comme je viens de le dire : l'un celui du plaisir illicite, l'autre, celui du tort causé à autrui.
La distinction suivante est aussi à faire à propos du repentir de ceux qui ont péché par plaisir charnel : celui qui de lui-même vint s'accuser de son péché, du fait même qu'il s'est fait, de son propre mouvement, accusateur des péchés secrets, en homme qui a déjà commencé à guérir sa passion et donné une preuve de sa conversion vers le bien, trouvera plus de miséricorde dans les pénitences imposées; par contre, celui qui fut pris en flagrant défit ou par suite d'un soupçon ou d'une accusation fut malgré lui convaincu d'avoir péché, aura la longue durée de pénitence, de manière à ce qu'il soit bien soigneusement purifié avant s'être admis à la communion des dons sanctifiés.
Or, voici la règle traditionnelle: ceux qui furent soufflés par la fornication seront pendant trois ans totalement exclus de la prière, pendant trois autres ils me participeront qu'à l'audition des Écritures, trois autres années ils prieront avec les pénitents prosternés, et alors seulement ils participeront aux dons sanctifiés. Tandis que à l'égard de ceux qui se sont repentis plus sérieusement et ont prouvé par la conduite de leur vie le retour au bien, il sera permis à celui qui administre l'église dans l'intérêt même de la discipline ecclésiastique d'abréger le temps de l'audition et les amener plus tôt dans la classe des pénitents; puis d'abréger même ce temps-ci et leur rendre plus tôt la communion, selon le jugement qu'il se sera formé de l'état du malade; car, s'il est défendu de jeter la perle aux pourceaux, il est aussi absurde de priver de la perle précieuse celui qui est redevenu homme par la pureté et la maîtrise sur ses passions.
Quant à l'iniquité commise par adultère, ou par les autres espèces de l'impureté, elle sera guérie, comme il a été dit plus haut, par les mêmes peines que la souillure de la fornication, seule la durée en sera double.
On observera pour elle aussi la disposition du malade, de la manière exposée pour ceux qui furent contaminée par la souillure de la fornication, pour que la participation au saint don leur soit accordée ou plus tôt ou plus tard.
Saint Grégoire de Nysse
Source : jesusmarie.free.fr
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde