SERMON SUR LE JEÛNE DU DIXIEME MOIS ET LES COLLECTES
DE SAINT LEON LE GRAND
[…] Puisque le Seigneur a dit: " Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur de toute ton âme, et de toute ta pensée " et: " Tu aimeras ton prochain comme toi-même ", il faut que l'âme fidèle se laisse enflammer de l'Amour de son Créateur et qu'elle se soumette toute entière à la volonté de cet auguste Maître dont les actes et les jugements portent partout l'empreinte de la vérité, de la justice, de la douceur et de la clémence. Celui qui est la proie de grands chagrins et qui éprouve de grandes disgrâces, peut, dans son malheur, espérer une récompense s'il accepte ses souffrances comme des châtiments de ses fautes ou comme une épreuve de sa vertu; mais sa charité ne peut être parfaite, s'il ne l'étend jusqu'à son prochain. L'on n'entend pas seulement par ce mot ceux avec qui le sang et l'amitié nous lie, mais tous les hommes en général, puisqu'ils sont tous de la même nature que nous; tous les hommes, dis-je, nos amis comme nos ennemis, ceux qui sont libres comme ceux qui sont esclaves, nos âmes et nos corps sont tous sortis des Mains du même Créateur, nous jouissons du même ciel, nous respirons le même air, les jours et les nuits sont également partagés pour tous. quoique parmi les hommes, les uns soient bons et les autres méchants, qu'il y ait dans le monde des hommes justes et des impies, cependant les Bienfaits de Dieu se répandent sur tous; on voit partout des marques de sa Bonté, comme les apôtres Paul et Barnabé le disaient aux peuples de la Lycaonie, en leur parlant de la Providence: " Ce Dieu, dans les âges passés, a laissé toutes les nations suivre leurs propres voies, quoiqu'Il n'ait cessé de rendre témoignage de ce qu'Il est, en faisant du bien, en vous dispensant du ciel les pluies et les saisons fertiles, en vous donnant la nourriture avec abondance et en remplissant vos cœurs de joie ". La loi nouvelle, qui est répandue dans toutes les contrées de l'univers, nous a donné de plus grands motifs pour aimer notre prochain; elle ne veut pas qu'on néglige qui que ce soit, car elle ne méprise personne; elle nous ordonne même d'aimer nos ennemis et de prier pour ceux qui nous persécutent. L'Église, qui chaque jour reçoit dans son sein des hommes de toutes les nations, permet qu'on ente l'olivier sauvage sur l'olivier franc; elle se réconcilie avec ses ennemis, elle adopte les étrangers et sanctifie les pécheurs, " afin qu'au nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus Christ est Seigneur, à la Gloire de Dieu le Père ".
Puisque Dieu veut que nous soyons bons, parce qu'Il est bon, nous devons Lui obéir. Refuser de Lui rendre grâces de toutes choses, n'est-ce pas Le reprendre en quelque chose? La folie des hommes est si grande qu'elle ose s'élever contre le Créateur, et murmurer non seulement de la disette, mais aussi de l'abondance: si quelque chose leur manque, ils se plaignent, quand ils ont tout à souhait, ils sont ingrats. Ce riche qui avait fait une si grande récolte, loin de se réjouir de l'encombrement de ses greniers, se plaignit de l'embarras que lui causait une moisson abondante, et au lieu de remercier le Seigneur de la multiplicité de ses présents, il les méprisa comme inutiles. Mais si la terre est avare, si les grains qu'on a semés ne se multiplient pas avec excès, si les vignes et les oliviers ne sont point chargés de fruits, on se plaint de la stérilité de l'année, on accuse les éléments, on murmure contre la malignité de l'air, contre les mauvaises influences du ciel; quoique les fidèles qui sont les disciples de la vérité doivent faire preuve de soumission et rendre au Seigneur de continuelles actions de grâces " Soyez toujours joyeux. Priez sans cesse. Rendez grâces en toutes choses, car c'est à votre égard la volonté de Dieu en Jésus Christ ". Comment pourrions-nous avoir cette soumission d'esprit si l'inconstance des choses humaines n'éprouvait notre constance? Nous devons placer en Dieu toutes nos affections, de telle sorte que les malheurs n'abattent point notre courage, et que les prospérités ne nous inspirent point d'orgueil. Tout ce qui plaît à Dieu doit nous plaire, et nous devons nous réjouir de ses Dons, quels qu'ils soient; recevoir avec reconnaissance les petits comme les grands, car on peut en faire aussi bon usage, et Il veille sur nous dans la disette comme dans l'abondance. Dans notre pauvreté des biens de la terre, ne craignons point de manquer des bénéfices spirituels si notre âme est généreuse; car on peut trouver dans la fécondité de son cœur ce que la terre refuse, et l'homme libéral et de bonne volonté trouve toujours de quoi donner. Quelque récolte que l'on fasse, il faut que les œuvres de piété se pratiquent avec le même zèle, et que la disette des choses temporelles ne tarisse point la source de la charité chrétienne. Dieu sut bien remplir les vases vides de la veuve pour la récompenser de son hospitalité, Il sut bien changer l'eau en vin, et nourrir avec quelques pains cinq mille hommes qui mouraient de faim); Il pourra sans peine, Lui qu'on nourrit en nourrissant les pauvres, et qui a multiplié ce qu'Il avait donné, multiplier vos biens quand vous Lui en donnerez une partie. […]
Source : clerus.org
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde