Extrait du XXI sermon de Saint Jean Chrysostome
1. Il faut, mes chers frères, il faut de grands soins, beaucoup d'application et de longues veilles, pour pénétrer dans la profondeur des saintes Ecritures : les lâches et les paresseux n'en acquerront point l'intelligence. Il faut un exact et soigneux examen et ne point cesser de prier, si nous voulons percer tant soit peu l'obscurité de ces saints mystères. Aujourd'hui même la question qui se présente n'est pas des plus aisées à résoudre : elle demande un attentif et diligent examen. Lorsque Nathanaël dit: « Vous êtes le Fils de Dieu », Jésus-Christ lui répond: « Parce que je vous ai dit que je « vous ai vu sous le figuier , vous croyez? «Vous verrez de bien plus grandes choses ».
Quelle difficulté propose-t-on sur ces paroles? On nous demande pourquoi Pierre, qui avait vu tant de miracles, qui avait reçu de si grandes instructions, ayant fait cette même confession : « Vous êtes le Fils de Dieu » (Matth, XVI, 17), est proclamé bienheureux, parce que c'est Dieu le Père qui le lui a révélé, et Nathanaël qui, avant les miracles, avant toute instruction, prononce une semblable profession de foi, ne s'entend pas louer de même, mais il est renvoyé à de plus grandes choses, comme s'il n'avait rien dit qui répondît à la grandeur de ce qu'il fallait exprimer? Quelle est donc la cause de cette différence? La voici: Pierre et Nathanaël ont bien prononcé les mêmes paroles, mais ils ne les ont pas dites l'un et l'autre dans le même sens. Pierre a confessé Jésus Fils de Dieu; mais comme vrai Dieu; et Nathanaël comme simple homme. Qu'est-ce qui nous le montre ? Les paroles qui suivent. Après avoir dit: « Vous êtes le Fils de Dieu », il a ajouté: « Vous êtes le roi d'Israël ». Or le Fils de Dieu n’est pas seulement roi d'Israël, mais encore de tout le monde. Et cela n'est pas seulement visible par ces paroles, mais aussi par les suivantes. Jésus-Christ, parlant à Pierre, n'ajouta rien de plus, mais, comme si sa foi eût été parfaite, il promet de bâtir son Eglise sur sa confession. Ici Jésus-Christ ne dit rien de semblable; il est même à observer qu'il dit le contraire. En effet; comme si cette confession eût été insuffisante dans sa principale partie, il y ajoute ce qui y manquait. Que dit-il ? « En vérité, en vérité, je vous le dis: Vous verrez dans peu le ciel ouvert, et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l'homme ». Ne voyez-vous pas comment il s’élève peu à peu de terre, et l'amène à ne plus le regarder simplement comme homme? Celui que les anges servent, Celui sur qui les anges montent et descendent, pourrait-il être simplement homme? C'est pourquoi il a dit : « Vous verrez de bien plus grandes choses », et, pour le lui expliquer, il lui a présenté le ministère des anges; c'est comme s'il disait : Nathanaël, il vous paraît surprenant que je vous aie découvert votre pensée et vos sentiments, et pour cela vous m'avez reconnu roi d'Israël : que direz-vous donc, lorsque vous verrez les anges monter et descendre sur moi ? Par là il lui fait entendre qu'il doit aussi le confesser et le reconnaître pour Seigneur des anges. Car les ministres du Roi descendaient et montaient, comme pour venir servir le vrai et légitime Fils de leur Roi.
Les anges descendaient lorsque Jésus fut crucifié, ils montaient à sa résurrection et à son ascension, et même auparavant, comme lorsqu'ils s'approchèrent de lui et qu'ils le servaient (Matth. IV, 11) ; lorsqu'ils annonçaient sa naissance, lorsqu'ils criaient: « Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre ! » (Luc, II, 14), lorsqu'ils vinrent auprès de Marie, lorsqu'ils vinrent auprès de Joseph. Ce qu'il avait souvent fait, il le fait maintenant encore: il prédit deux choses, il donne la preuve de l'une, et par là il assure que l'autre aura son accomplissement. Quant à celles qu'il a dites ci-dessus, les unes étaient déjà sûrement arrivées, comme ce qu'il a dit avant la vocation de Philippe: « Je t'ai vu sous le figuier » ; les autres devaient arriver et étaient en partie arrivées, à savoir, l'ascension et la descente des anges: « Elles étaient arrivées dans le temps de la naissance, elles devaient arriver encore » au crucifiement, à la résurrection et à l'ascension. Ce sont là les prédictions que les précédentes rendent croyables, même avant leur réalisation. Car celui à qui les événements accomplis avaient fait connaître la puissance de Jésus, devait avoir moins de peine à croire ce qu'il annonçait pour l'avenir.
A cela que dit Nathanaël.? Il ne répondit rien. C'est pourquoi Jésus-Christ n'en dit pas davantage ; il le laisse méditer et repasser dans. son esprit ce qu'il a entendu, et ne veut pas répandre toute la graine à la fois ; mais, sachant qu'il a jeté sa semence en bonne terre, il lui donne le temps de porter son fruit. C'est sur quoi il s'explique ailleurs en ces termes: « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui avait semé de bon grain ; pendant qu'il dormait son ennemi vint, et sema de l'ivraie au milieu du blé ». (Matth. XIII, 24,25.)
J'ai déjà dit que Jésus était connu, principalement en Galilée. C'est pourquoi il est convié aux noces et il s'y trouve; il ne regarde point à sa dignité, mais il y va pour nous faire du bien. Et certes, celui qui a bien voulu prendre la forme de serviteur, dédaignera bien moins d'assister aux fêtes de ses serviteurs ; celui qui mangeait avec les publicains et avec les pécheurs, ne refusera pas; à plus forte raison, de prendre place aux noces avec les conviés. D'ailleurs, les gens qui l'avaient invité n'avaient pas de lui l'opinion qu'il eût fallu avoir, et ne le considéraient pas même comme un personnage illustre, mais comme le premier venu parmi leurs connaissances. L'évangéliste nous le fait même entendre, en disant : « La mère de Jésus y était, et ses frères» ; comme ils avaient convié sa mère et ses frères, ils l'avaient aussi convié lui-même. « Et le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit: Ils n'ont point de vin ». Sur quoi on a lieu de demander d'où il était venu dans l'esprit de la mère d'attendre quelque chose de grand de son fils; car il n'avait point encore fait de miracles : « Ce fut là », dit l'Ecriture, « le premier des miracles de Jésus, qui fut fait à Cana en Galilée ». (Jean, II, 11.)
Source : abbaye-saint-benoit.ch
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde