Sermon de Saint Bernard pour la Fête des Saints Apôtres Pierre et Paul
[...] 4. Essayons maintenant de dire au moins quelques mots de la solennité présente. Nous faisons la fête des apôtres du Christ. Ils ont droit, je le sais, à de grands honneurs de notre part, mais je ne sais s'il nous est possible de leur en rendre quelques uns ; car je vois, Seigneur, que vous avez comblé vos amis d'un excès de gloire, et que vous avez extraordinairement consolidé leur empire (Psal. CXXXVIII, 17). « En effet, si tandis qu'ils étaient encore sur la terre, ils pouvaient tout, sinon en eux-mêmes, du moins en Jésus-Christ, que ne peuvent-ils aujourd'hui qu'ils partagent avec lui son éternelle félicité ? Quand ils étaient mortels encore et destinés à subir les coups de la mort, ils semblaient avoir l'empire de la vie et .de la mort, ils ressuscitaient d'un mot les morts, et d'un mot aussi, ils frappaient de mort les vivants. A combien plus forte raison doit-il en être ainsi depuis qu'ils sont comblés d'un excès de gloire, et que leur empire s'est consolidé d'une manière extraordinaire ? Mais quoi, mes frères , en célébrant aujourd'hui l'heureuse mémoire des apôtres, est-ce que nous faisons la fête de leur naissance, de leur conversion , de leur vie et de leurs miracles? Non, mes frères, la solennité de ce. jour n'a point pour objet une naissance d'homme, comme cela avait lieu il y a quelque jour quand nous faisions la fête de la naissance de saint Jean. On célèbre le jour de sa naissance parce qu'il était saint quand il naquit. Il n'y a que pour lui que la naissance soit plus fêtée que la mort; c'est parce que, s'il est vrai qu'il a souffert la mort pour Jésus-Christ, en mourant pour la justice et la vérité, il n'en est pas moins évident qu'il est né aussi pour lui, car il est l'homme envoyé de Dieu; il est né et il est venu dans le monde, uniquement. pour rendre témoignage à la vérité (Joan. I, 7). Nous ne célébrons point non plus ni la conversion des apôtres, ni leurs miracles , comme à certains autres jours, nous célébrons, avec des sentiments de fête et de bonheur, la mémoire de la conversion de l'un d'eux, et la délivrance de l'autre , quand un ange fit tomber ses liens. Nous honorons d'une manière toute particulière le jour de leur mort, bien que la mort soit ce qui inspire le plus d'horreur aux hommes.
5. Considérez, mes frères, le jugement de la sainte Église selon la foi, non pas selon la face du juge. Elle fait donc du jour de la mort des deux apôtres, le jour d'une de ses plus grandes fêtes. C'est, en effet, aujourd'hui que Saint Pierre a été crucifié, et aujourd'hui que Saint Paul a eu la tête tranchée. Voilà quelle est la cause de la solennité, de ce jour. et quel est le motif de nos réjouissances. Mais en faisant de ce jour un jour de fête et de bonheur, il est hors de doute que l'Église est animée de l'esprit de son Époux, de l'esprit de Dieu, en présence de qui, selon le mot du Psalmiste « la mort des Saints est précieuse (Psal. CXIII, 15). » Quant aux hommes, le nombre, je m'imagine, était grand de ceux qui assistèrent à leur mort, et ne la contemplèrent point d'un oeil d'envie. Car aux yeux des insensés, ils ont paru mourir, leur sortie du monde a passé pour un véritable malheur, en un mot, pour des insensés, ils ont paru mourir (Sap. III, 2); Mais « pour moi, dit le Prophète, vos amis me semblent comblés d'honneur à l'excès, et leur empire consolidé d'une manière extraordinaire (Psal. CXXXVIII, 17). » Ainsi, mes frères, il n'y a qu'aux yeux des insensés que les amis de Dieu semblent mourir, aux yeux des sages, ils paraissent plutôt s'endormir. En effet, Lazare dormait, parce que c'était un ami (Joan. XI, 11). Et les amis du Seigneur, après le sommeil qu'il leur aura donné, seront comme son héritage (Psal. CXXVI, 4).
6. Efforçons-nous, mes frères, de vivre de la vie des saints, mais désirons surtout mourir de leur mort. Car la sagesse préfère la fin des justes (Sap. II, 16), elle nous jugera là où elle nous aura trouvés. Inévitablement la fin de ta vie présente est le commencement de la vie future; et il n'y a point de différence possible entre l'une et l'autre. Il en est pour cela, si vous me permettez cette image, comme de deux ceintures qu'on veut coudre ensemble, ou mettre bout à bout; on ne s'occupe que des deux extrémités, qu'on veut rapprocher sans s'inquiéter du reste, on les prépare de manière à ce qu'elles se rapportent parfaitement l'une à l'autre, ainsi en est-il pour vous, mes frères, quelque spirituelle que soit le reste de votre vie, si la fin en est charnelle, .elle ne peut se rapporter à une vie toute spirituelle, car ni la chair, ni le sang, n'auront part au royaume de Dieu. « Mon Fils, dit le Sage, souviens-toi de tes fins dernières, et tu ne pécheras jamais (Eccle. VII, 40). » Parce que ce souvenir lui inspirera des craintes, or la crainte chasse le péché, et n'admet point de négligence. [...]
Source : abbaye-saint-benoit.ch
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde