GREGOIRE DE NYSSE
SUR LA NAISSANCE DE JESUS-CHRIST
Sonnez de la trompette, dit David, au jour solennel de votre fête. Les ordres que nous donnent les divers enseignements forment des lois absolues pour ceux qui les entendent. Et puisque c’est aujourd’hui le jour solennel de notre fête, obéissons, nous aussi, à la loi et devenons les hérauts de cette solennité. La trompette, en cette loi, c’est la parole ; saint Paul nous invite à le croire, lorsqu’il dit que cet instrument doit émettre non pas des sons confus, mais des notes distinctes, qui ne laissent aucun trouble en l’auditeur. Rendons, nous aussi, mes frères, un son clair et limpide, aussi noble que celui de la trompette. La loi qui déjà, dans les figures de l’ombre, pressent la vérité, exige qu’à la fête des Tentes, l’on sonne de la trompette.
Or nous fêtons aujourd’hui le mystère de la véritable construction des Tentes. C’est en effet en ce jour qu’est bâtie la tente humaine par celui qui pour nous s’est revêtu d’humanité. C’est [158] en ce jour que nos tentes, abattues par la mort, sont relevées par celui qui, au commencement, a construit notre demeure. Répétons à notre tour, le vers du psaume, mêlons nos voix aux superbes accents de David : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Comment vient-il ? Nul vaisseau, nul char ne l’amènent : il aborde en l’humaine vie par la pureté d’une vierge. C’est lui notre Dieu, c’est lui notre Maître qui nous est apparu : il vient organiser la fête, et tout couvrir de feuillages jusqu’aux cornes de l’autel. Nous savons bien, mes frères, quel mystère contiennent ces paroles : la création tout entière est comme l’unique temple du Maître de la création. Mais lorsque le péché survint, le mal triompha des hommes, ferma leurs lèvres, fit taire leurs voix joyeuses, interrompit les concerts de la fête ; la créature humaine cessa de participer aux réjouissances des anges. Résonnèrent alors ces trompettes de prophètes et d’apôtres, que la loi appelle cornes, parce qu’elles étaient formées d’un seul tenant, de cornes d’animaux. Sous les souffles de l’Esprit, elles proclamèrent, véhémentes, les paroles de vérité afin que s’ouvrît l’oreille des hommes que le péché avait rendu sourds, et qu’il n’y ait plus qu’une fête ; et les voix retentiraient à l’unisson, lorsque les feuillages relieraient le tabernacle de la créature inférieure aux puissances supérieures qui entourent l’autel céleste. Les cornes de l’autel spirituel sont, en effet, les puissances transcendantes et sublimes de la nature intellectuelle, les principautés, les royaumes, les trônes, les dominations. La nature humaine s’unit à ces dernières en une fête commune, par les scénopégies de la résurrection et le renouveau des corps les couvre de feuillages. Car ces feuillages sont comme une parure ou un vêtement, expliquent les initiés. Élevons donc nos âmes jusqu’au chœur spirituel, et prenons David pour mener et diriger nos concerts ; disons avec lui cet [159] hymne joyeux que nous chantions jadis, oui, répétons-le : Voici le jour qu’a fait le Seigneur, exultons et réjouissons-nous. En ce jour les ténèbres commencent à diminuer et les confins de la nuit reculent, refoulés par les rayons grandissants. Ce n’est point simple hasard, mes frères, si le solstice survient au jour solennel où la vie divine se manifeste aux hommes. Quel mystère la création n’enseigne-t-elle pas ici aux esprits un peu attentifs ! On dirait qu’elle élève la voix et apprend à ceux qui sont capables de l’entendre, ce que signifient la croissance du jour et le recul de la nuit au temps où vient le Seigneur. Il me semble, pour ma part, l’entendre tenir ce langage : ouvre tes yeux, homme : les mystères qui se cachaient dans le visible te sont révélés ! Vois-tu la nuit parvenir à ses bornes extrêmes, s’arrêter et reculer ? Entends-le de l’affreuse nuit du péché, qui s’était allongée jusqu’à ses dernières limites ; le péché, par toutes sortes de ruses, l’avait menée au comble de l’abjection. Mais aujourd’hui, ses progrès s’arrêtent : vaincue, elle recule pour bientôt disparaître. Vois-tu grandir les rayons de lumière et le soleil monter plus haut de que coutume ? Comprends que l’avènement de la vraie lumière illumine toute la terre des rayons de l’évangile.[...]
Traduction France Quéré-Jaulmes
dans Le mystère de Noël, Grasset, Paris 1963, p. 157
Source : gregoiredenysse.com
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde