Le Comité des droits de l'homme des Nations unies vient de demander à l'Irlande d'ouvrir ses écoles primaires catholiques à une éducation laïque et de répondre favorablement aux femmes désirant avorter. La belle Erin est invitée à « prendre des mesures permettant aux femmes d'éviter des grossesses non désirées, afin qu'elle n'aient pas à recourir à des avortements illégaux ou dangereux ». Cette exigence se situe en sus d'une demande au Royaume-Uni de mieux traiter les musulmans.
On peut se demander s'il y a un lien entre le récent rejet du Traité de Lisbonne par les Irlandais qui craignaient notamment qu'on leur impose une législation pro-avortement. On peut aussi s'étonner que cette exigence du comité précède de peu l'examen par la Cour européenne des droits de l'homme du recours de trois Irlandaises qui avaient avorté en Grande-Bretagne. Recours dont les moyens sont fallacieux, car la possibilité d'avorter à l'étranger ne leur avait pas été refusée. Recours tendancieux, car le but est d'obliger l'Irlande à autoriser plus largement qu'aujourd'hui l'avortement sur son sol.
Pour aller plus loin...
Ce qui nous paraît être l'essentiel ici, c'est le lien qui semble être implicitement fait entre le christianisme - dont les écoles seraient le vecteur - et le refus de l'avortement. Le comité semble avoir décidé d'agir en amont, au niveau des enfants à l‘école primaire pour promouvoir sa conception de l'univers.
Si ni l'éducation en Irlande, ni l'avortement en soi n'est le sujet de l'article, nous en parlerons toutefois pour situer la question.
L'Irlande est un pays profondément façonné par le catholicisme et sa conception de l'être humain en est imprégné : Dublin s'oppose à l'avortement. Même au nord du pays, en Ulster, pourtant nation intégrée au Royaume-Uni et majoritairement protestante, la loi de 1967 sur l'avortement ne s'applique pas malgré les tentatives, dont la dernière date de la nuit du 23 au 24 juillet 2008.
On connaît le malthusianisme de l'ONU qui prône la régulation démographique via le recours à l'avortement. On le voit ici aller plus loin et promouvoir l'IVG non comme un moyen de planification prétendument nécessaire, mais comme un droit. Ces principes onusiens ne peuvent qu'heurter la foi, la sensibilité et les principes des Irlandais. Le tigre économique est aussi un lion moral. Sa crainte que le Traité de Lisbonne le conduise dans un engrenage juridique et politique pro-avortement est une des causes de la victoire des opposants à ce texte. Il s'agirait donc de l'apprivoiser.
Les statistiques, on s'en doute, font apparaître une forte prépondérance des catholiques dans la société irlandaise. La présence catholique est assez constante et ne connaît pas de déclin brutal comme celui vécu, par exemple, par la France. De fait, l'Eglise romaine d'Irlande sait pouvoir compter sur une population relativement bien mobilisée pour relayer sa voix sur des thèmes éthiques. Surtout, il n'est pas étonnant, quand on sait l'importance accordée par le christianisme au respect de la vie, que la société irlandaise tienne sérieusement compte des aspects moraux des textes internationaux. Ainsi, les partisans du Traité de Lisbonne ne pouvant démontrer que ce texte ne soumettrait pas l'Eire à un éventuel droit européen concernant l'avortement, l'incertitude a, à juste titre, profité au camp du non. Un peuple qui, en dépit de la baisse de fréquentation des offices religieux, continue de croire, de façon stable, à l'existence du péché, illustrant ainsi le [url=http://www.universdelabible.net/index.php?option=com_bible&Itemid=207&ref=Romains 14:23]texte biblique sur la prudence[/url] en cas de doute.
On ne modifie pas d'un claquement de doigt la psychologie si ce n'est la foi d'un peuple. Certains programmes télévisés, une certaine orientation des médias, etc., sont nécessaires pour ce faire. Mais tant que les sujets sont des adultes, la modification peut être assez lente. Est-ce pour cela que le Conseil des droits de l'homme demande à l'Irlande de modifier l'enseignement des écoles privées et de le rendre conforme à une certaine vision laïque du monde ?
La demande surprend : si les écoles privées sont aidées par l'Etat, il n'en reste pas moins que le principe est la liberté. Les parents sont toujours libres, s'ils refusent l'enseignement religieux, d'inscrire leurs enfants dans une école publique ou de les dispenser des cours de religion dans le privé. En effet, l'enseignement religieux est obligatoire dans les établissements privés, mais il ne s'agit pas d'une obligation absolue (article 44, § 2, alinéa 4 de la Constitution).
Une objection facile serait d'affirmer que l'Etat n'est pas tenu de participer au financement des écoles privées. Cette objection était mise en avant au moment des débats sur la réforme de la Loi Falloux, en France. Mais il suffit d'y regarder de façon dépassionnée pour se rendre compte qu'il serait injuste que l'Etat ne subventionne pas des écoles privées, prestataires de services, alors que les parents des élèves qui les fréquentent payent des impôts. Si l'Etat irlandais ne finançait que des écoles publiques, il serait coupable de discrimination à l'encontre des parents d'enfants fréquentant les établissements protestants et catholiques surtout.
L'Irlande méconnaîtrait le principe d'égalité en faisant droit à la demande des Nations unies. Elle renierait aussi son identité : elle est une république laïque, mais une république qui reconnaît ses racines. Il s'agit de ce qu'on peut appeler une laïcité « philocléricale ». Sa Constitution est irriguée par les principes chrétiens. Ses citoyens font le choix d'envoyer leurs enfants dans des écoles confessionnelles et le choix des parents d'offrir à leurs enfants une éducation orientée doit être pris en compte, comme le reconnaît l'article 42 de la Constitution, consacré à l'éducation. Si ces derniers estiment que l'enfant est trop jeune en primaire pour recevoir une éducation laïque (vocable sous lequel on se demande ce que met l'ONU), leur choix mérite d'être pris en compte(1). On sait l'influence d'un instituteur sur un jeune enfant dont l'enseignement est perçu comme davantage crédible que celui des parents.
Dans ce contexte, il est légitime de se demander si les admonestations onusiennes ne sont pas sans arrière-pensées. La laïcité serait-elle, dans la conception du comité, un laïcisme, un antichristianisme visant à annihiler des siècles de croyance religieuse qui sont un frein à toutes sortes de dérives éthiques telles que l'avortement ? Les raisons du non des Irlandais au référendum sur le Traité de Lisbonne ont-elles incité le Comité des droits de l'homme à faire pression sur l'Eire ?
L'Irlande a déjà été contredite par la Cour européenne des droits de l'homme (CJCE : Affaire Open Door Counselling and Dublin well women,1992) et par la Cour de justice des Communautés européennes (affaire Grogan, 1991) pour entrave au droit d'information et à la liberté de circulation des femmes désirant aller avorter à l'étranger(2).
Dès lors, les craintes des Irlandais concernant l'imposition par l'Union européenne d'un « droit à l'avortement » n'étaient pas infondées. Peut-être pas par rapport au Traité de Lisbonne lui-même, mais par rapport à la jurisprudence passée de la CJCE. Il est indéniable que cette raison a compté. Il est possible que cette raison ait conduit à cette double demande du Comité des droits de l'homme. A défaut d'obtenir une politique libérale sur l'avortement, le Comité peut toujours espérer que des enfants coupés d'un enseignement religieux soient moins exigeants sur les questions éthiques que leurs parents. Chi va piano, va sano, dit le proverbe...
(Jean Degert) CPDH - 29/07/08
(1) D'ailleurs la Déclaration universelle des droits de l'homme ne pose-t-elle pas le principe de la priorité des parents dans le choix de l'éducation ? Certes, cette Déclaration n'a pas de valeur juridique, mais ses principes nourrissent bien des textes du droit international ; il est étonnant que le Comité des droits de l'homme se mette en porte-à-faux avec elle.
(2) Pour se reconnaître compétente, la CJCE, dont le champ de compétence est la matière économique, avait considéré que l'interruption volontaire de grossesse était un service marchand au sens de l'article 60 du Traité des Communautés européennes ! Puisque le marché européen était concerné, la compétence de la Cour de Justice était reconnue. CQFD !
Conseils de lecture :
- La face cachée de l'ONU
- Le terrorisme à visage humain
Voici un excellent article de nos amis du Centre protestation pour la dignité humaine.
http://www.cpdh.info/npds/article.php?sid=1060
L'analyse qui est faite de la façon dont on manipule les peuples en utilisant d'une part les médias et d'autre part l'enseignement est bien construite.
Je vous invite vraiment à le lire.
Je pense que quand on regarde les jeunes de nos sociétés occidentales, on ne peut s'empêcher de constater que ces techniques ont presque parfaitement atteint leurs buts.
Je fais notamment, ici, référence, à la perte de tous repères si ce n'est ceux du plaisir absolu et qui conduit notre jeunesse à ne plus croire qu'en l'hédonisme pur et à se retrouver aux mains du mal, comme nous venons d'en discuter dans un autre fil, initié par Gaetan.
Bon samedi
Leodia