Frères, j’estime qu’il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous.
En effet, la création aspire de toutes ses forces à voir cette révélation des fils de Dieu.
Car la création a été livrée au pouvoir du néant, non parce qu'elle l'a voulu, mais à cause de celui qui l'a livrée à ce pouvoir. Pourtant, elle a gardé l'espérance d'être, elle aussi, libérée de l'esclavage, de la dégradation inévitable, pour connaître la liberté, la gloire des enfants de Dieu. Nous le savons bien, la création tout entière crie sa souffrance, elle passe par les douleurs d'un enfantement qui dure encore.
Et elle n'est pas seule. Nous aussi, nous crions en nous-mêmes notre souffrance ; nous avons commencé par recevoir le Saint-Esprit, mais nous attendons notre adoption et la délivrance de notre corps.
Le « temps présent » est la dimension ou nous pouvons rencontrer Dieu, notre « être là ». Il nous ramène à la réalité, à notre condition humaine, à notre finitude. Ce temps présent est celui de l’universel, celui que nous partageons avec tout homme, de même que les souffrances ne connaissent pas de catégorie (croyants ou non croyants…).
La souffrance est aussi passage vers la gloire : ce passage a été emprunté par le Christ qui a souffert dans le temps. En Luc 24,26 : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances pour entrer dans sa gloire ? »
Cette gloire, Dieu veut la révéler « en nous » avec ce que nous sommes, dans notre corps qui est aussi le lieu de nos souffrances. Le corps qui souffre est le même que celui qui est appelé à la gloire. Dignité de notre corps qui nous fixe aussi dans le temps présent : l’esprit peut « s’évader » dans le passé ou l’avenir, mais le corps nous enracine dans l’aujourd’hui.
Le corps comme présence au monde est aussi ce qui nous rend profondément solidaires de la création : le récit de la Genèse illustre bien cette dimension de l’homme « Alors Yahvé Dieu modela l'homme avec la glaise du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l'homme devint un être vivant. » (Gn 2,7)
Nous sommes tirés de la terre et appelés à retourner dans la terre. Mais en même temps, l’homme est la seule créature appelée à « faire passer toute la création » vers la gloire nouvelle : « aspiration » de l’homme au sommet de toute la création pour l’entraîner par le Christ au delà d’elle même.
La création a besoin de rédemption, car elle a été soumise au pouvoir du néant « non parce qu’elle l’a voulu ». La seule créature libre est l’homme : c’est donc par sa faute que la création est livrée au pouvoir du néant. Il en résulte que le péché de l’homme se manifeste dans toute la création : il a des conséquences « cosmiques ». Cette relation entre le péché et la dégradation de la création a été soulignée par Benoît XVI lors de l’homélie du 24 avril 2005 à l’occasion de l’inauguration de son Pontificat : « Les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands. C’est pourquoi, les trésors de la terre ne sont plus au service de l’édification du jardin de Dieu, dans lequel tous peuvent vivre, mais sont asservis par les puissances de l’exploitation et de la destruction. »
L’écologie n’est pas d’abord une question de législation, mais de conversion
(sources: année Saint Paul : au fil de la liturgie)
Concile Vatican II, Lumen Gentium 9 « La destinée, c’est le Royaume de Dieu inauguré sur la terre par Dieu même, qui doit se dilater encore plus loin jusqu’à ce que, à la fin des siècles, il reçoive de Lui son achèvement,
lorsque le Christ notre vie sera apparu (Col 3,4) et que la création elle-même sera libérée de la servitude de la corruption pour connaître la liberté des enfants de Dieu (Rom 8, 21) »