Le pape Benoît XVI demande une préparation à la solennité de la Pentecôte
Invoquons constamment l'Esprit Saint
Pour nous préparer à la Pentecôte, faisons nôtre ces paroles du pape Benoît XVI à l'ouverture du CELAM: “Seule la charité du Christ, diffusée par l’Esprit Saint, peut faire de cette réunion un authentique événement ecclésial, un moment de grâce pour ce Continent et pour le monde entier” et méditons cette page extraite d'un livre du Card. Christoph Schönborn.
L'Église manifestée grâce au don de l'Esprit Saint
« "Une fois achevée l' œuvre que le Père avait chargé son Fils d'accomplir sur la terre, le jour de Pentecôte, l'Esprit Saint fut envoyé pour sanctifier l'Eglise en permanence." C'est alors que "l'Eglise se manifesta publiquement devant la multitude et que commença la diffusion de l'Évangile avec la prédication." (LG 4) Parce qu'elle est "convocation" de tous les hommes au salut, l'Eglise est, par sa nature même, missionnaire envoyée par le Christ à toutes les nations pour en faire des disciples. » (Ad Gentes 4)
Avons-nous oublié jusqu'ici l'Esprit Saint ? Nous avons parlé de la création, de l'Ancienne Alliance, du Christ, sans mentionner explicitement le Saint-Esprit. Ne s'agit-il là que d'une distraction de ma part ? Une distraction qui témoignerait tout simplement de cette réalité: l'ignorance, l'oubli fréquent de l'Esprit Saint ? Peut-être même en va-t-il comme autrefois, à Éphèse, lorsque Paul rencontra quelques disciples qui durent lui avouer très franchement: « Nous n'avons même pas entendu dire qu'il y a un Esprit Saint» (Ac 19, 2) ? Mais peut-être cet «oubli» nous apprend-il quelque chose sur le Saint-Esprit lui-même ?
A ce sujet, nous pouvons lire, au troisième chapitre de la première partie du Catéchisme, au chapitre consacré à l'Esprit Saint: «"Nul ne connaît ce qui concerne Dieu, sinon l'Esprit de Dieu" (1 Co 2, Il). Or, son Esprit qui Le révèle nous fait connaître le Christ, son Verbe, sa Parole vivante, mais ne se dit pas Lui-même. Celui qui "a parlé par les prophètes" nous fait entendre la Parole du Père. Mais Lui, nous ne L'entendons pas. Nous ne Le connaissons que dans le mouvement où Il nous révèle le Verbe et nous dispose à L'accueillir dans la foi. L'Esprit de Vérité qui nous "dévoile" le Christ "ne parle pas de Lui-même" (ln 16, 13). Un tel effacement, proprement divin, explique pourquoi "le monde ne peut pas Le recevoir, parce qu'il ne Le voit pas, ni ne Le connaît", tandis que ceux qui croient au Christ Le connaissent parce qu'II demeure avec eux (ln 14, 17). » (C.E.C. 687)
Ainsi le Saint-Esprit précède-t-il partout la foi, l'éveille, la guide et la dirige. Mais « Il est dernier dans la révélation des Personnes de la Trinité Sainte » (C.E.C. 684). Le but de la catéchèse est de «mettre en communion avec Jésus-Christ » (CEC 426). Et le but de l'Eglise est le même: la pleine communion de vie avec le Christ. «Pour être en contact avec le Christ, il faut d'abord avoir été touché par l'Esprit Saint ? » (C.E.C. 683).
Comment cela se produit-il ? Comment l'Esprit Saint opère-t-il ? Comment révèle-t-il le Christ ? S'il ne touche pas les cœurs de l'intérieur, s'il ne leur prodigue pas son enseignement, alors la meilleure prédication reste sans effet. Les Actes des Apôtres mettent en évidence le rôle déterminant joué par l'Esprit Saint dans la propagation de l'Évangile. Ils montrent comment il «ouvre les portes» à l'Évangile - ou les ferme (cf. Ac 16, 6.7.14).
L'Esprit est à l'œuvre dès les débuts. On ne peut pas le séparer du Verbe qui était «au commencement» (Jn 1, 1). Et comme le Verbe, il était Dieu (cf. Jn 1, 1). L'Esprit Saint opère tout dans la création et dans les Alliances, à l'instar du Verbe, du Logos.
Le Catéchisme propose une véritable catéchèse sur l'action cachée de l'Esprit Saint, de la création jusqu'à «la Plénitude du temps» (Ga 4, 4) (8. Cit. C.E.C. 702). Cette catéchèse doit aider à retrouver dans l'Ancien Testament « ce que l'Esprit, "qui a parlé par les prophètes", veut nous dire du Christ » (ibid.). Même si ce n'est qu'à gros traits, le Catéchisme montre comment pratiquer une exégèse du type de celle qui a été souhaitée par le Concile. On peut lire dans Dei Verbum un texte de la plus haute importance: «La Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger. » (Dei Verbum, 12, 3 ; cit. C.E.C. 111)
«Du commencement jusqu'à "la Plénitude du temps" (Ga 4, 4), la mission conjointe du Verbe et de l'Esprit du Père demeure cachée, mais elle est à l'œuvre. L'Esprit de Dieu y prépare la venue du Messie, et l'un et l'autre, sans être encore pleinement révélés, y sont déjà promis afin d'être attendus et accueillis lors de leur manifestation. » (C.E.C. 702)
La catéchèse consacrée à l'Esprit Saint dans l'Ancien Testament ne fait pas appel à une lecture allégorique de ce texte. De la création à Jean le Baptiste (cf. C.E.C. 703-720), elle discerne dans les événements concrets et les étapes de l'Ancienne Alliance une préparation patiente de la venue du Christ. L'Esprit, le «dispensateur de vie», est partout à l' œuvre, mais sans qu'on le reconnaisse, sans qu'il ait été « donné ». «Car il n'y avait pas encore d'Esprit, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié» (Jn 7, 39), peut-on lire dans ce passage de l'Evangile selon S. Jean qui a été si souvent commenté par les Pères (13. Cf. H. RAHNER, «Flumina de ventre Christi. Die patristische Auslegung von Joh 7, 37.38 », dans op. cif., pp. 177-235.). «Le dernier jour de la fête, le grand jour, Jésus, debout, s'écria: "Si quelqu'un a soif, qu'il vienne à moi, et qu'il boive, celui qui croit en moi !" selon le mot de l'Écriture: De son sein couleront des fleuves d'eau vive. Il parlait de l'Esprit que devaient recevoir ceux qui avaient cru en lui; car il n'y avait pas encore d'Esprit, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié» (Jn 7, 37-39).
«Mais c'est dans les "derniers temps", inaugurés par l'Incarnation rédemptrice du Fils, qu'Il (l'Esprit) est révélé et donné, reconnu et accueilli comme Personne. Alors ce dessein divin, achevé dans le Christ, «Premier-Né» et Tête de la nouvelle création, pourra prendre corps dans l'humanité par l'Esprit répandu: l'Eglise » (C.E.C. 686).
L'Eglise a certes été manifestée à l'heure de la Pentecôte, mais l'Esprit Saint a d'abord été donné sur la croix. «Car il n'y avait pas encore d'Esprit, parce que Jésus n'avait pas encore été glorifié » (Jn 7, 39). Jésus fut glorifié sur la croix. C'est alors, dans l'amour «jusqu'à la fin» (Jn 13, 1), que l'Esprit a été envoyé. Là, à cette heure, «s'accomplit l'œuvre de notre rédemption ». C'est pourquoi nous allons revenir encore une fois au mystère de la croix et poursuivre la méditation entamée au chapitre précédent sur la naissance de l'Eglise « ex latere Christi », en nous intéressant au don de l'Esprit Saint à l'heure de la glorification de Jésus. Car la croix, le mystère pascal, reste la source d'où coulent sur l'Eglise «les fleuves d'eau vive », le Saint-Esprit, qu'à son tour elle peut répandre.
Nous avons vu plus haut que la condamnation et la mise à mort de Jésus étaient en même temps un forfait humain et l' œuvre de salut de Dieu. Le Nouveau Testament utilise un langage particulier pour exprimer ce mélange d'acte humain coupable et d'opération de la grâce. Le terme «livrer », quelquefois «remettre» (en grec paradidonai, en latin tradere) est utilisé à la fois pour l' œuvre de salut de Dieu et pour l'acte humain mauvais. Ainsi dit-on de Judas qu'il a « livré» Jésus (tradidit ilium, Mt 10, 4 et ailleurs) ou encore que Jésus a été «livré aux mains des pécheurs» (Lc 24, 7 ; cf. aussi Mc 9, 31). Mais le même mot est aussi utilisé pour parler du décret divin. On le retrouve à la forme passive: «Livré pour nos fautes» (Rm 4, 25) ou expressément, en faisant allusion au sacrifice d'Abraham: «Lui qui n'a pas épargné son propre Fils mais l'a livré pour nous tous» (Rm 8, 32). Paul affirme aussi plusieurs fois que le Christ s'est « livré» lui-même, pour lui, Paul (Ga 2, 20), pour nous (Ep 5, 2), pour l'Eglise (Ep 5, 25). Le même mot revient à une autre occasion: « Tout m'a été remis par mon Père» (Mt 11, 27).
Face à la croix, qui est en même temps œuvre des pécheurs et œuvre de salut de Dieu, Paul s'interroge: «Comment avec lui ne nous accordera-t-il pas toute faveur ?» (Rm 8, 32). Ce « toute », c'est lui, le Fils bien aimé du Père. Le Saint Père écrit dans l'encyclique consacrée à l'Esprit Saint, Dominum et Vivificantem: «Déjà, dans le fait de "donner" le Fils, dans le don du Fils, s'exprime l'essence la plus profonde de Dieu qui, comme Amour, est une source inépuisable de libéralités. Dans le don fait par le Fils s'achèvent la révélation et la libéralité de l'Amour éternel: l'Esprit Saint, qui dans les profondeurs insondables de la divinité est une Personne-Don, par l'œuvre du Fils, c'est-à-dire par le mystère pascal, est donné d'une manière nouvelle aux Apôtres et à l'Eglise et, à travers eux, à l'humanité et au monde entier » (Lettre encyclique Dominum et vivificantem, 23).
Pour notre réconciliation, le Père a livré son propre Fils, son Verbe éternel, le Verbum spirans amorem (le Verbe qui respire l'amour), pour reprendre la merveilleuse expression de S. Thomas. Et le Fils s'est «livré» au Père par amour pour nous, il s'est livré pour nous par amour du Père: «"Père, en tes mains je remets mon esprit." Ayant dit cela, il expira» (Lc 23, 46). Et S. Jean: «Il remit l'esprit» (tradidit spiritum) (Jn 19, 30). «L'esprit» dont il est question ici - selon l'exégèse moderne, mais aussi dans l'interprétation la plus courante des Pères - c'est l'âme, l'esprit humain. Mais l'événement est lui-même ouvert sur l'Esprit que Jésus a promis et qui est alors donné: le Fils offre tout sur la croix, toute sa vie. En tant qu'homme qui meurt, il est le Verbum spirans amorem.
La Très Sainte Trinité se révèle sur la croix. Le Père a tout donné: son Fils. Le Fils a tout offert: sa vie. Tous deux font le don de l'amour en personne: le Saint-Esprit.
Si le Christ était resté prisonnier de la mort, tout cela ne serait qu'un beau rêve. Il est ressuscité! Il est «ressuscité des morts par la gloire du Père» (Rm 6, 4). Et le premier don du Ressuscité, c'est l'Esprit Saint. Mais avant de « souffler sur eux» et de dire: «Recevez l'Esprit Saint» (Jn 20, 22), il leur montre ses mains et son côté (Jn 20, 20). Le Pape Jean-Paul II dit à ce propos dans son encyclique: «Il leur donne cet Esprit en quelque sorte à travers les plaies de sa crucifixion (...). C'est en vertu de cette crucifixion qu'il leur dit: "Recevez l'Esprit Saint." Un lien étroit s'établit ainsi entre l'envoi du Fils et celui de l'Esprit Saint. L'envoi de l'Esprit Saint (après le péché originel) ne peut avoir lieu sans la Croix et la Résurrection. (...) La mission du Fils, en un sens, trouve son "achèvement" dans la Rédemption. La mission de l'Esprit Saint "découle" de la Rédemption (...). La Rédemption est accomplie pleinement par le Fils (...) s'offrant lui-même à la fin en sacrifice suprême sur le bois de la Croix. Et cette Rédemption est aussi accomplie continuellement dans les cœurs et les consciences des hommes - dans l'histoire du monde - par l'Esprit Saint qui est l'''autre Paraclet" » (id. 24)
Nous revenons ainsi au point de départ de notre méditation: la «manifestation» de l'Eglise a commencé le jour de la Pentecôte, par l'Esprit Saint. C'est là le début du «temps de l'Eglise», de sa croissance extérieure et intérieure, visible et spirituelle. Mais c'est sur la croix que l'Esprit Saint est donné, et cette source reste l'origine de l'Eglise. Le cœur transpercé du Sauveur reste la source de l'amour infini d'où se répand sur nous l'Esprit Saint (cf. C.E.C. 478).
C'est pourquoi « le temps de l'Eglise» n'est pas une ère différente de celle du Seigneur crucifié et ressuscité qui nous envoie l'Esprit du Père. Le temps de l'Eglise est celui de l'Esprit Saint que le Christ a insufflé sur la croix et au soir de Pâques. Il n'y aura pas de «nouvelle ère» (New Age), pas d'autre ère que «les derniers temps» où nous sommes depuis Pâques. Et l'Esprit Saint ne nous mène nulle part sinon à celui dont il reçoit le bien qu'il nous donne (cf. Jn 16, 14) : au Christ.
Mais l'Eglise est le lieu « où fleurit l'Esprit» (locus ubi Spiritus Sanctus floret - HIPPOLYTE DE ROME, Traditio apostolica, 35 ; cit. C.E.C. 749). Et S. Irénée de dire: «C'est en elle (dans l'Eglise) qu'a été déposée la communion avec le Christ, c'est-à-dire l'Esprit Saint ( ... ). Car là où est l'Eglise, là est aussi l'Esprit de Dieu; et là où est l'Esprit de Dieu, là est l'Eglise et toute grâce » (cit. C.E.C. 797).
A quoi le reconnaissons-nous cet Esprit de vérité et d'amour ? Comment distinguer son œuvre, celle de « l'Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu'il ne le voit pas ni ne le reconnaît» (J n 14, 17), de celle des autres esprits, bons et mauvais ? Rien n'est aussi nécessaire dans notre service pastoral que le don du discernement, afin que nous «n'éteignions pas l'Esprit» (1 Th 5, 19), afin que nous nous laissions guider par l'Esprit (cf. Rm 8, 14 ; 5 , 18 ). Car c'est alors seulement que nous sommes libres, fils de Dieu, véritablement l'Eglise, c'est-à-dire la famille de Dieu. Et ce n'est qu'alors que nous trouvons ce bonheur auquel nous aspirons et qui ne peut nous être offert que dans l'Esprit Saint, le dulcis hospes animae, «le doux hôte de l'âme ».
Christoph Schönborn, Aimer l'Église, Éd. Saint-Augustin/Cerf 1998, p. 113-120
Pour terminer terminons par cette réflexion de notre pape Benoît XVI dans l'exhortation Sacramentum Caritatis : "En regardant l'histoire bimillénaire de l'Église de Dieu, guidée par l'action sage de l'Esprit Saint, nous admirons, pleins de gratitude, le développement, ordonné dans le temps, des formes rituelles par lesquelles nous faisons mémoire de l'événement de notre salut".
Sources: www.vatican.va - E.S.M.